L'efficacité des photos de maladies liées au tabagisme sur les paquets de cigarettes vient d'être remise en question par une cour d'appel américaine. Le jugement en question cite le Canada, où les paquets sont obligatoirement pourvus de telles photos depuis 11 ans, et affirme que rien ne prouve que ces images incitent les fumeurs à écraser ou les non-fumeurs à ne pas commencer à fumer.

La Food and Drug Administration (FDA) américaine voulait obliger les entreprises de tabac à imprimer des images-chocs sur les paquets de cigarettes. L'organisme devait toutefois justifier devant les tribunaux cette restriction à la liberté d'expression des cigarettiers. «La Food and Drug Administration n'a présenté aucune donnée montrant que ces avertissements graphiques aideront à atteindre son objectif de réduire le taux de tabagisme», affirment les deux juges de la majorité. Le juge dissident prétend que rien n'empêche la FDA d'utiliser des moyens inefficaces ou des moyens similaires à ceux dont l'industrie du tabac s'est servie.

Une décision antérieure d'une autre cour d'appel affirmait le contraire. Par conséquent, la Cour suprême devra trancher la question.

La FDA elle-même a calculé que ces avertissements graphiques ne diminueront le nombre de fumeurs que de 0,088%, chiffre statistiquement impossible à distinguer de zéro, notent les deux juges majoritaires. Au Canada, les avertissements ont été introduits en même temps qu'une augmentation des prix et que des restrictions sur les lieux où il était permis de fumer, ce qui ne permet pas d'en arriver à une conclusion précise, poursuit le jugement. De plus, les études comportementales n'ont au mieux détecté qu'une augmentation de l'envie d'arrêter de fumer chez les fumeurs qui voient les avertissements graphiques.

«C'est vrai, on n'a pas pu lier directement les photos et l'arrêt, mais des dizaines d'études avec différentes méthodologies tendent toutes vers la même direction: les avertissements graphiques fonctionnent», affirme Rob Cunningham, analyste et spécialiste de la question à la Société canadienne du cancer, qui est à Montréal dans le cadre d'un congrès mondial d'oncologie. «Sinon, pourquoi les sociétés combattraient-elles autant l'obligation d'en avoir sur les paquets? Et pourquoi mettraient-elles autant d'énergie à concevoir des paquets attrayants?»

Flory Doucas, codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, est plus cinglante. «La décision est complètement absurde, défie le gros bon sens et nie les preuves accablantes montrant le contraire. C'est comme affirmer que les écriteaux mis sur un plancher mouillé montrant un petit bonhomme tombant par terre n'amènent pas les gens à faire preuve de plus de prudence ou à carrément éviter le danger.»

L'Académie américaine de pédiatrie ne va cependant pas aussi loin: dans sa condamnation du jugement, elle se limite à dire que les avertissements graphiques «communiquent les dangers du tabac» et «rendent le tabac moins attrayant».