Les patients aux urgences ou en attente d'une intervention chirurgicale dans l'un des trois hôpitaux constituant le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) doivent attendre plus que jamais. Une centaine de patients en fin de soins sont ainsi bloqués sur des lits faute de ressources pour qu'ils soient pris en charge ailleurs dans le réseau. Et environ 150 lits seront fermés cet été en raison des vacances estivales du personnel en soins, ce qui représente près du quart des lits. De ce nombre, 35 fermetures de lits sont en lien direct avec la grève étudiante qui prive le CHUM d'infirmières stagiaires, a constaté La Presse.

Ainsi, le scénario de l'automne dernier est en train de se répéter à l'hôpital Notre-Dame, à l'hôpital Saint-Luc destiné à la démolition, de même qu'à l'Hôtel-Dieu: environ 9000 patients sont sur les listes d'attente pour subir une opération d'un jour. Cette attente peut facilement atteindre deux ans, déplore le chef des médecins du CHUM, le Dr Paul Perrotte. En désespoir de cause, il a envoyé une lettre au ministre de la Santé, Yves Bolduc, dans laquelle il explique qu'il est impossible d'en demander davantage au corps médical. Par la même occasion, il somme le ministre d'assumer son «immobilisme» et de «porter le fardeau de son inaction et de son incapacité à fournir les ressources nécessaires déjà promises».

«La situation est pire que pire, a expliqué le Dr Perrotte lors d'un entretien avec La Presse. Hier matin, j'ai eu à gérer une patiente en panique qui a été opérée pour un cancer à la vessie et qui est bloquée depuis deux, trois semaines sur un lit aux étages. Cette femme-là ne devrait pas être ici. Elle aurait dû recevoir son congé et être prise en charge à domicile», déplore l'urologue.

En octobre dernier, le Dr Perrotte avait envoyé sensiblement le même message au ministre. Selon lui, malgré les dizaines de millions promis, il manque cruellement de places en réadaptation, en soins prolongés et palliatifs et de services à domicile. Ce manque de ressources bloque des patients sur des lits et a un effet domino des urgences jusqu'aux étages. À titre d'exemple, il y avait 43 civières pour 71 patients, hier à Notre-Dame, pour un taux d'occupation de 165%.

«Ça n'arrive pas tous les jours, mais il est déjà arrivé que nous soyons obligés d'installer des patients dans des salles de conférence ou devant le bureau des infirmières, affirme le Dr Perrotte. Le ministre Bolduc a fait deux mandats et ne remplit pas ses engagements.»

Au cabinet du ministre Bolduc, son attachée de presse, Natasha Boudreau, a expliqué que la lettre du chef des médecins, datée du 18 mai, n'avait pas encore été reçue. Néanmoins, a-t-elle dit, Montréal demeure la priorité du ministre. «Nous avons toute une stratégie pour développer les ressources intermédiaires, a-t-elle ajouté. La politique Vieillir et vivre ensemble récemment adoptée va aussi nous aider pour les services à domicile. C'est en train de se mettre en place, il faut procéder étape par étape pour que le tout se tienne.»

L'agence de la santé et des services sociaux de Montréal, aussi interpellée par le CHUM, mise pour sa part sur l'intégration de ressources pivots provenant des centres de santé et de services sociaux (CSSS), dès l'admission des patients. «On sait, par exemple, qu'une personne âgée avec une fracture de la hanche aura besoin de réadaptation, de soins à domicile. Il ne faut pas attendre son congé, mais se mettre sur le téléphone dès son arrivée. On espère implanter cette mesure dans les trois hôpitaux les plus problématiques: Notre-Dame, l'Hôpital juif et Maisonneuve-Rosemont», explique la Dre Louise Ayotte, directrice des affaires cliniques, médicales et universitaires à l'agence. À la direction du CHUM, on est bien au courant du problème, et on fonde beaucoup d'espoirs sur les mesures de l'agence.

«On a fait des efforts pour diminuer les séjours de 48 heures et plus aux urgences et l'attente aux interventions, mais la population est vieillissante. Il faut être créatif», a dit Yvan Gendron, nouveau directeur associé.