Depuis sept ans, La Presse trace annuellement le bilan des urgences pour l'ensemble du Québec. Pour la première fois depuis cinq ans, l'attente moyenne s'améliore très légèrement dans les hôpitaux. Mais il n'en est rien dans les urgences de la région montréalaise, où on affiche des temps d'attente qui vont en augmentant, avec une moyenne s'approchant de 21 heures. Très, très loin de la cible ministérielle de 12 heures.



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Grâce à des efforts colossaux de certains hôpitaux régionaux, l'attente moyenne sur des civières dans les urgences s'est très légèrement améliorée cette année. Une première depuis cinq ans. Mais l'attente demeure interminable à Montréal. Et les gains sont fragiles dans un contexte où les urgences ont accueilli 580 000 malades de plus cette année, pour une augmentation globale de l'affluence de 5,5%.

Les patients attendent en moyenne 17 h 12 sur les civières au Québec, comparativement à 17 h 36 l'an dernier, avant d'être transférés aux étages, vers des ressources intermédiaires, ou d'obtenir leur congé des urgences.

Cette attente, considérée comme inhumaine par le corps médical, est très loin de la cible ministérielle fixée à 12 heures. Et elle ne permet pas à la province d'avoir une meilleure note globale que l'an dernier; elle obtient encore un C. Malgré tout, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, estime que les urgences amorcent une remontée dont on verra les résultats réels l'an prochain.

Encore une fois, la piètre performance aux urgences s'explique largement par l'engorgement monstre qui persiste dans les hôpitaux de Montréal, où l'attente est de 20 h 30. La majorité des 16 urgences de la métropole inscrites au palmarès obtiennent des notes oscillant autour de D, quand ce n'est pas D-. L'hôpital Maisonneuve-Rosemont, dans l'est de Montréal, conserve l'attente la plus longue avec des séjours moyens de 35h06 sur civière, pour la note de D+. Et en Outaouais, deux hôpitaux finissent l'année avec la note peu enviable de E+, un cuisant échec avec une attente moyenne de près de 24 heures.

Des bons coups

Malgré ce sombre portrait, les séjours de 48 heures et plus sur des civières ont diminué de 4,3% dans les hôpitaux de la province, a constaté La Presse. En agissant à ce chapitre, l'hôpital Saint-Eustache, dans la région des Laurentides, voit sa note passer de D- à D, et ce, dans un contexte de pénurie aiguë de personnel en soins. Plus remarquable, la note de l'hôpital du Haut-Richelieu, en Montérégie, grimpe de D+ à B, cette année, pour une attente de 12 h 48, ce qui est très près de la cible du gouvernement.

Globalement, à peine 30hôpitaux sur un total de 103 parviennent toutefois à offrir un épisode de soins aux patients à l'intérieur de 12 heures et moins: c'est 5 de moins que l'an dernier. De ce nombre, 24 urgences sont à l'intérieur d'hôpitaux de 10 000 civières et moins. Mais, preuve que c'est possible, le centre Cloutier-du-Rivage, en Mauricie, termine l'année avec une attente moyenne de 4h18, encore une fois le meilleur temps de tout le palmarès, pour une note finale de B-, en tenant compte de sa clientèle plus légère.

Les hôpitaux universitaires qui reçoivent des patients de partout, lesquels nécessitent souvent des soins complexes et en traumatologie, ont peine à améliorer leur performance. Mis à part l'Hôpital général de Montréal (CUSM) et Sacré-Coeur qui s'en sortent avec une note de C, les centres universitaires obtiennent tous la note D. Le seul à se démarquer réellement est l'Hôtel-Dieu de Lévis, dans Chaudière-Appalaches, qui obtient encore un B+, pour une attente moyenne de 11h54.

Payé pour la performance

Le président de l'Association des médecins d'urgence du Québec (AMUQ), le Dr Bernard Mathieu, estime que les hôpitaux gèrent un «système de portes fermées», de l'ambulance aux urgences, et jusqu'aux unités de soins. Il continue de réclamer un «protocole de surcapacité» obligeant les étages à prendre en charge les patients. Et il estime que la province devrait payer les hôpitaux selon leur capacité à soigner à l'intérieur de 12 heures, en leur accordant des bonis servant à financer des ressources, telle l'embauche d'infirmières spécialisées au triage.

«En Ontario et en Alberta, la cible ministérielle est de 8h. Ils ont aussi un système qu'on appelle pay for performance. Sommes-nous des nuls au Québec au point de ne pas pouvoir y parvenir? se demande le Dr Mathieu. Je pense qu'il faut une directive ferme, et nous avons l'intention d'en parler à la Direction nationale des urgences. Non seulement il nous faut un protocole de surcapacité, mais il faut aussi insister pour obtenir un nouveau modèle de financement.»