Vincent Lambert est l'enfant québécois qui a vécu le plus longtemps avec un coeur mécanique. Après 220 jours à attendre un don d'organes, il lance un cri du coeur et presse tous les Québécois à apposer leur signature au verso de leur carte d'assurance maladie. Un geste qui pourrait sauver la vie de l'un des 1250 Québécois qui vivent, comme lui, dans l'espoir d'avoir une greffe de coeur, de poumon, de rein, de pancréas ou de foie.

Dans le cadre de la semaine nationale du don d'organes, la famille de l'adolescent de 15 ans a invité les médias mardi à l'Hôpital de Montréal pour enfants.

Vincent a fait son entrée dans l'auditorium à pas de tortue, en traînant ses 46 petits kilos derrière un chariot auquel il est branché en permanence et qui sert à surveiller sa circulation sanguine. Il marche lentement, mais affiche un grand sourire. D'un souffle de voix, il affirme qu'il s'ennuie de sa maison, de ses amis et de son chien, Max. «C'est long, mais je vis avec», lâche-t-il d'une voix très douce.

Son père, Alain Lambert, trouve cependant l'attente infernale. «Ce n'est vraiment pas une vie. On est comme en prison, mais on n'a rien fait.»

Au Québec, les coeurs transplantés doivent provenir de donneurs dont l'organisme est toujours vivant, mais qui sont en état de mort cérébrale. Ces cas sont plutôt rares et représentent environ 1% des patients des hôpitaux chaque année. Il s'agit souvent d'accidentés de la route ou de victimes de noyade. À moins d'un acte notarié, le personnel médical doit toujours obtenir le consentement de la famille, et ce, même si l'étiquette autorisant le don a été signée. Dans le contexte d'un drame, cette étape est délicate pour le personnel médical. «C'est un moment très difficile humainement», explique le Dr Luc Jutras, le cardiologue qui suit Vincent depuis l'âge de 1 an, après qu'il eut contracté un virus qui a endommagé son coeur. «Les médecins développent un lien humain avec les familles des patients et aborder la question du don d'organes paraît parfois comme une transgression de notre pacte pour la vie. Il nous semble parfois qu'il n'y a aucun bon moment pour aborder la question du don d'organes, mais il faut le faire, choisir les mots, prendre le temps qu'il faut. Il y a encore un travail de sensibilisation à faire.»

Dans le cas de Vincent Lambert, le travail des médecins est compliqué en raison de son petit gabarit et de son groupe sanguin rare.

«Pas un jour ne passe où j'imagine et j'espère que l'appel nous informe que quelqu'un au Québec ou au Canada a fait le plus précieux don qu'il soit, le don de la vie», a raconté la Dre Samira Zavalkoff, qui traite Vincent aux soins intensifs depuis son arrivée au service. «Je vis dans l'attente de me rendre dans sa chambre et d'annoncer à Vincent et à sa famille que la longue attente est finalement terminée. Je vous prie vivement de signer votre carte d'assurance maladie, il y a des centaines d'autres patients comme Vincent qui attendent et certains vont mourir en attendant.»

Selon le directeur général de Québec-Transplant, Louis Beaulieu, l'attente moyenne pour un nouveau coeur au Québec est de 160 jours. Il affirme que l'enjeu maintenant est de convaincre le gouvernement d'investir pour aider les hôpitaux à améliorer l'identification des donneurs potentiels. «Un seul donneur peut sauver huit vies», affirme M. Beaulieu.

«Signez vos cartes! C'est très important! Pas seulement pour moi, affirme Vincent, mais pour tous les autres aussi. Oui, ça pourrait guérir ma vie, mais ça peut sauver beaucoup plus de monde que l'on pense.»