Effets secondaires imprévus, dosages difficiles et produits de remplacement inconnus: la rupture de l'approvisionnement en produits provenant de l'usine Sandoz en février et mars a donné bien des sueurs froides aux pharmaciens en milieu hospitalier.



La situation s'est récemment améliorée, mais elle a été très préoccupante pendant plusieurs semaines, a affirmé à La Presse Diane Lamarre, présidente de l'Ordre des pharmaciens. «Dès le départ, l'Ordre avait donné l'alerte. En plus d'une pénurie, il y avait des problèmes de gestion des stocks. Les médecins devaient remplir les commandes à la main parce que le système d'approvisionnement automatique était désactivé, et on voulait éviter que les établissements se constituent des réserves de produits touchés par la pénurie», explique-t-elle. Ce système manuel faisait également en sorte que les pharmaciens ignoraient pendant quelques jours ce qui leur serait réellement livré.

«Gérer une pénurie suppose des décisions complexes à prendre sur le terrain, il faut faire des choix!», dit-elle. La pression est un peu moins forte aujourd'hui, puisque Santé Canada a accéléré l'homologation de huit produits «critiques».

Inquiétudes

C'est à la mi-février que les conséquences des ruptures de stock de médicaments injectables comme la morphine, produits par Sandoz à Boucherville, ont subitement apparu dans les pharmacies d'hôpitaux. La Presse, par la Loi sur l'accès à l'information, a obtenu une longue liste de courriels de pharmaciens inquiets qui réclamaient les lumières de leur ordre professionnel à ce sujet. Des sources dans le milieu médical expliquent que les médecins ont dû se rabattre sur d'autres formes de morphine, dans des concentrations moins courantes, ce qui rend plus difficile le calcul des doses.

«Entre le 15 et le 25 février, il y a eu une période de crise, un moment critique où on ne sentait pas que les gens voulaient prendre leurs responsabilités», affirme Mme Lamarre. Le 24 février, Sandoz avait inscrit l'année 2013 pour le retour à la distribution normale de 55 de ses 80 produits.

«Pour plusieurs des médicaments fournis par Sandoz, s'il existe un autre fournisseur, il ne peut nous en vendre, soit parce qu'il est lui-même en rupture, soit parce qu'il privilégie les clients qui ont déjà acheté directement chez lui.

«Cette situation nous amène à faire des choix, avec des conséquences pour les patients», poursuit-elle. Dans trois cas, un médicament de remplacement a créé des effets secondaires.

Risques

«Il existe aussi un risque, car pour certains choix, ce sont des médicaments non connus dans l'établissement ou pour lesquels nous détenons moins d'expérience», écrit une pharmacienne d'établissement à sa direction des services professionnels. «Il ne faut plus permettre qu'une seule entreprise pharmaceutique soit l'unique fournisseur de médicaments».

Dans un autre courriel, on suggère que les médecins fassent pression sur le Collège des médecins pour qu'il adopte une position plus vigoureuse dans le dossier de la pénurie. «Je pense qu'il serait bien que le Collège ait aussi quelques appels de leurs membres pour les sensibiliser un peu plus», écrit Marie-Claude Poulin, cadre à l'Ordre des pharmaciens.

L'an dernier, Québec a adopté une loi qui donne davantage de latitude aux pharmaciens dans leurs décisions professionnelles; toutefois, à la dernière étape, on a retiré une clause qui leur aurait permis de substituer un médicament à un autre. Ces substitutions sont désormais réservées aux situations, rarissimes, de pénurie totale d'un produit. Sandoz ne se considère pas comme en pénurie complète, mais «en allocation, à 70 ou 50%».

- Avec la collaboration de William Leclerc