L'ancien responsable des relations publiques d'Imperial Tobacco a affirmé mardi qu'il a ignoré pendant des décennies que la fumée causait le cancer et d'autres maladies. Pourtant, il a admis que l'opinion publique, elle, était bien au courant.

Premier témoin au procès en recours collectif sur le tabac, Michel Descôteaux a maintenu la ligne de conduite annoncée dès le départ par les avocats des fabricants de tabac: les fumeurs connaissaient les risques et doivent assumer les conséquences de leurs gestes, mais les sociétés, elles, ne les connaissaient pas et n'ont donc aucune conséquence à assumer.

La fumée et les maladies

Interrogé par Me Bruce Johnston, avocat des plaignants, M. Descôteaux a répété toute la journée qu'il se fiait aux affirmations des scientifiques d'Imperial Tobacco, plus important fabricant de tabac du Canada. Et ces scientifiques, selon lui, soutenaient qu'il n'y avait pas de relation de cause à effet entre la fumée et des maladies.

M. Descôteaux a commencé à travailler chez Imperial Tobacco en 1963 et il a été le seul porte-parole de la société pendant 20 ans. Il a pris sa retraite en 2002.

Lundi, une avocate d'Imperial Tobacco, Me Suzanne Côté, a dit que le public connaissait les risques du tabac depuis la fin des années 50. Mardi, Me Johnston a déposé un bulletin du fabricant datant de 1969, dans lequel il est indiqué que les dirigeants de la société ignoraient - ou niaient - ces risques.

La collègue de Me Côté, Me Deborah Glendinning, a demandé au juge de refuser ce dépôt, sous prétexte que le bulletin avait été écrit sur la base de témoignages rendus devant un comité de la Chambre des communes, lesquels ne seraient pas recevables en cour parce que les témoins sont protégés par l'immunité parlementaire.

Un avocat des plaignants, Me André L'Espérance, a qualifié cette objection de «complètement farfelue». «C'est votre propre document!», a-t-il tempêté. Le juge Brian Riordan a rejeté cette objection... et d'autres.

«Il n'y a pas de preuve que le tabac cause des maladies chez les humains», est-il écrit dans le bulletin d'Imperial Tobacco. Un autre paragraphe se lit ainsi: «Une législation contre l'industrie du tabac et ses nombreux composés n'est pas justifiée sur la base des évidences scientifiques, et une telle action constituerait une dangereuse interférence avec les libertés de choix individuelles.»

«Certaines maladies »

M. Descôteaux a dit qu'il adhérait alors à ces conclusions, même s'il était conscient que cette position était impopulaire dans l'opinion publique. Selon lui, c'est seulement avec le temps que l'industrie a commencé à réaliser que le tabac pouvait provoquer «certaines maladies» chez «certaines personnes».

Dans une note de service datée de 1981, M. Descôteaux a prévenu les scientifiques d'Imperial Tobacco qu'il était risqué de reconnaître que l'inhalation de la fumée par les femmes enceintes était dommageable pour les enfants à naître. Cet aveu risquait de forcer le fabricant à admettre les dangers de la fumée secondaire. Son témoignage se poursuit toute la semaine.