La pénurie nationale de médicaments injectables qui frappe le Canada depuis maintenant trois semaines menace de s'aggraver. L'usine de médicaments génériques Sandoz de Boucherville, qui est à l'origine de la crise, a annoncé hier qu'elle suspendait sa production pour au moins une semaine afin de nettoyer les dégâts causés le week-end dernier par un incendie.

Sandoz Canada est le principal fournisseur de plusieurs médicaments injectables pour les hôpitaux québécois. Ces produits sont essentiels pour les soins critiques et intensifs, ainsi qu'en chirurgie.

La société pharmaceutique a refusé d'accorder une entrevue à La Presse pour faire le point sur les effets de l'arrêt de production. La firme de communication Octane Stratégies, qui a été embauchée par Sandoz pour gérer ses relations avec les médias, s'est limitée à une courte déclaration écrite. «La production est temporairement suspendue et reprendra partiellement la semaine du 12 mars, lorsque les activités de nettoyage seront terminées. Nous sommes en processus d'évaluation de l'impact sur l'approvisionnement des produits et nous travaillons à rétablir les niveaux antérieurs de production.»

Le 16 février dernier, la société pharmaceutique a annoncé qu'elle apporterait des correctifs à son usine de Boucherville, à la suite d'un avertissement lancé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine, qui a relevé des «violations importantes» dans ses normes de production.

L'usine de Boucherville produit environ 235 médicaments. Afin de limiter les impacts sur le système de santé, Sandoz a annoncé qu'elle se consacrerait exclusivement à l'approvisionnement de médicaments injectables essentiels. À l'heure actuelle, certains produits sont tout de même en rupture de stock. D'autres sont fabriqués à 50%, 75% ou 100% de la cadence antérieure.

Depuis trois semaines, la pénurie donne de véritables maux de tête aux pharmaciens hospitaliers, qui gèrent des stocks considérablement moins élevés qu'à l'habitude. Environ 70 interventions non urgentes ont déjà été annulées aux hôpitaux de Gatineau et de Hull cette semaine. Ailleurs au Québec, il n'y a pas eu d'autres annulations.

La semaine dernière, les pharmaciens des grands hôpitaux de Montréal ont demandé à Sandoz de rehausser certains quotas de production à 100% d'une poignée de classes thérapeutiques considérées comme les plus cruciales pour les hôpitaux. Selon Jean-François Bussières, président du comité des pharmaciens de SigmaSanté, plus important groupe d'achat de médicaments au Québec, Sandoz a accepté dimanche matin (avant que l'incendie ne se déclare) de rehausser progressivement les quotas d'ici au 23 mars. Dimanche soir, Sandoz a indiqué que les quotas convenus seraient maintenus malgré l'incendie.

Sandoz Canada n'a pas été en mesure de confirmer hier si la suspension de la production allait engendrer des impacts sur la distribution de médicaments.

Des coûts supplémentaires pour les contribuables?

La pénurie engendrée par les problèmes de Sandoz à ses installations de Boucherville force les centres hospitaliers québécois à se tourner vers de nouvelles sources d'approvisionnement et à acheter au prix fort les médicaments que s'était engagée à leur fournir Sandoz. Ces sommes supplémentaires ne devraient toutefois pas être payées par le système de santé québécois.

Selon les termes des contrats accordés par appel d'offres à Sandoz, la société est tenue de payer, en cas de pénurie, la différence de coût entre son médicament et tout équivalent qui sera acheté par un centre hospitalier.

Pour l'instant, il est trop tôt pour évaluer les sommes qui seront réclamées à Sandoz, mais selon SigmaSanté, l'organisme qui gère l'approvisionnement en médicaments des centres de santé de Montréal et de Laval, aucune raison ne devrait permettre à Sandoz de se soustraire à ses engagements.

En effet, selon ce qu'un responsable de l'organisme a expliqué à La Presse en entrevue téléphonique, Sandoz n'est pas en position d'évoquer un cas de «force majeure» pour se libérer de l'entente, que ce soit en raison des pressions de la Food and Drug Administration (FDA) ou même de l'incendie qui a endommagé une section du toit de l'entreprise.

Pour l'heure, les contrats que signe l'organisme avec les fabricants de médicaments génériques ne comportent pas de clause supplémentaire pénalisant une entreprise en cas de pénurie, mais SigmaSanté évalue désormais la possibilité d'ajouter une telle clause à ses prochains contrats.

De son côté, Sandoz Canada n'a pas tenu à faire savoir si elle s'engageait à respecter les termes de ses ententes avec les groupes d'achat de médicaments du Québec. La société s'est limitée à dire que «Sandoz Canada a comme politique corporative de ne pas commenter ses engagements contractuels avec ses clients».