Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec l'actualité. La 11e question vient du public.

1) Cette semaine, on a appris que les conditions de vie dans certains CHSLD laissaient à désirer et ce, un an après qu'un rapport du Protecteur du citoyen eut recommandé des améliorations. Comment l'expliquer?

Dans l'ensemble des CHSLD, la situation s'est beaucoup améliorée, notamment grâce aux mesures mises en place au cours des dernières année. En 2010, le Protecteur du citoyen avait souligné qu'on avait d'excellents soins au Québec. Paul Brunet, le président du Conseil pour la protection des malades au Québec, aussi. Les visites ont montré qu'il restait des choses à améliorer.

2) Oui mais comment expliquer que certains centres aient appliqué les recommandations et d'autres non?

C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai constaté que les recommandations n'avaient pas été appliquées partout. C'est sans doute dû à un manque de communication. J'ai demandé aux cadres que la situation ne se reproduise plus et j'aurai le réflexe, à l'avenir, d'aller voir là-dedans plus souvent. Nous allons d'ailleurs déposer un bilan de la situation dans les prochaines semaines et il sera public. Vous savez, on peut pleurer sur le lait renversé mais je préfère regarder en avant, relever le défi et me mettre au travail.

3) Vous venez d'annoncer l'ajout d'inspecteurs sur le terrain. Combien seront-ils et vont-ils faire davantage de visites-surprises?

Je ne sais pas encore combien on ajoutera d'inspecteurs et à quel moment, cela reste à évaluer. Nous avions déjà augmenté les visites de 55 à 88 à la suggestion du Protecteur du citoyen. À compter de juin, nous allons repartir la machine à zéro, augmenter le nombre et la cadence des visites.

4) Vous avez reconnu cette semaine que vous n'aviez pas un portrait juste de la situation. Comment l'expliquer? Êtes-vous mal informée par votre équpe?

Non, je ne dirai jamais ça. Les gens qui travaillent au Ministère sont de haut niveau, ils travaillent très fort. Je ne suis pas en train d'excuser ou de justifier quoi que ce soit, il y a des choses à peaufiner, un processus à améliorer. De mon côté, je fais moi-même des visites-surprises. Je me greffe à une visite ministérielle (composée de différents représentants du Ministère, des agences et des patients) et comme je ne suis pas une ministre très connue, je passe souvent pour de la parenté dans un centre. Je me promène, je parle aux gens, je mange sur place. Je peux vous dire qu'on le sent tout de suite quand une place est bien ou pas.

5) Vous avez dit avoir eu une discussion «franche» avec les PDG des agences de santé. Comment justifient-ils leurs lacunes?

Ce sont des explications qu'ils devront me donner. Je leur ai demandé de me fournir une photographie de leur réseau. Je peux vous dire que je n'entendais pas à rire. Je n'étais pas de bonne humeur et ils l'ont su. Je crois que les gens ont pris la chose au sérieux. Vous savez, au moment où j'étais dans l'oeil de la tempête cette semaine, j'accompagnais ma propre mère qui «cassait maison». C'est quelque chose de très douloureux de quitter sa maison. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, tout le monde est en mode résolution de problème.

6) Il y a deux ministres qui chapeautent le dossier des aînés. Ne serait-ce pas plus efficace à votre avis s'il n'y en avait qu'un seul?

Nous travaillons de façon très collégiale, Marguerite Blais et moi, et nous nous consultons beaucoup. Nous avons des responsabilités différentes, tout comme Yves Bolduc et moi en santé. Chacun a sa spécialité et nous nous complétons très bien.

7) Cette semaine plusieurs personnes, dont le député caquiste François Bonnardel, ont ridiculisé votre organigramme qui illustre, disait-on, à quel point les premiers bénéficiaires de soins sont perdus dans une bureaucratie compliquée. Comment peut-on rendre le système plus efficace?

Ce que je retiens de ce qu'a dit M. Bonnardel, c'est qu'il prendrait l'argent alloué aux agences et l'investirait ailleurs, pas pour les aînés. Pour le reste, son tableau était tape-à-l'oeil. Oui c'est un gros organigramme, mais le ministère est une immense machine qui supervise des milliers d'actes au quotidien, qui assure la proximité avec les gens, qui intervient dans le domaine de la santé, des jeunes, des aînés, de la protection de la jeunesse, de l'itinérance, etc.

8) Comment expliquer qu'il y a encore une vingtaine de centres qui n'ont toujours pas obtenu leur certification?

Nous aurons terminé les visites de l'ensemble des 468 établissements en juin prochain. Il faut savoir que le système des visites n'existe que depuis 2004. Vous me direz que ça fait déjà 12 ans mais ce sont des choses qui sont longues à instaurer.

9) Comprenez-vous l'inquiétude et la colère des familles lorsqu'elles apprennent dans les médias l'existence de conditions déplorables dans les CHSLD?

Je le répète, nous avons un bon réseau au Québec. Il y a malheureusement quelques cas qui peuvent subvenir, mais dans l'ensemble, ça va bien. «Casser maison», c'est une douleur, je le sais, j'en ai été moi-même témoin. Mais nous avons un bon réseau et chaque centre y va de son initiative pour rendre la vie de ses résidants plus agréable. Dans un centre, on a adopté un chat qui se promène partout car les personnes âgées aiment les animaux. Dans un autre centre, on a installé un banc et un lampadaire pour un monsieur qui a passé sa vie à prendre l'autobus matin et soir pour aller travailler. il va s'asseoir sur ce banc et ça le rassure. Le public ne sait pas tout ce qui se fait dans les centres. Je ne vous dis pas que tout est parfait mais il se fait de belles choses.

10) La population québécoise vieillit, les ressources financières sont limitées. Pensez-vous qu'on se leurre en imaginant pouvoir offrir des soins de haute qualité à tous les aînés du Québec?

Marguerite Blais et moi allons bientôt déposer une politique intitulée Vieillir chez soi qui permettra à 15 000 personnes de plus de bénéficier d'un soutien à domicile. Au Québec on développe également des solutions alternatives. Le pari, c'est que chaque personne soit au bon endroit. Il y a des gens qui se retrouvent dans un CHSLD ou aux urgences de l'hôpital et qui ne devraient pas y être. On veut diriger chaque personne là où on répondra le mieux à ses besoins. Et pas d'ici 10 ans, mais dans la prochaine année.

Question Twitter de Sarah Beaumier : pourquoi donne-t-on un avis de 24 heures aux CHSLD quand on va les visiter? On ne fait même pas ça pour les restaurants?

Excellente question, j'ai l'intention d'abolir les avis de 24 heures. À l'avenir, on les avisera seulement quelques minutes à l'avance. (L'entrevue avec la ministre Vien a été réalisée jeudi. Vendredi, le ministre Yves Bolduc a confirmé que les CHSLD ne seraient plus avisés 24 heures avant les visites-surprises).