L'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) vient de se déclarer en faveur d'une véritable révolution dans la manière de financer le système de santé. Elle suggère au gouvernement de financer les centres hospitaliers «à l'activité» plutôt que de leur attribuer une enveloppe globale chaque année.

Québec devrait lancer dès maintenant un chantier pour réfléchir à la question, pense Lise Denis, directrice générale de l'AQESSS, qui se fait la porte-parole de 129 établissements de santé au Québec.

«Essentiellement, depuis que le réseau existe au Québec, on a financé les institutions. Aujourd'hui, ce que l'on dit, c'est qu'il faut faire le virage comme l'ont fait d'autres pays pour s'en aller vers un financement par service ou par épisode de soins», explique-t-elle.

L'idée est d'améliorer l'accessibilité en tenant compte des changements scientifiques et démographiques. Les budgets des centres de santé sont accordés sur une base historique et n'ont pas nécessairement suivi l'évolution réelle de l'offre de soins, dit Mme Denis. «Le réseau de la santé travaillerait avec la même enveloppe. C'est l'allocation qui va bouger. Ça va permettre une meilleure utilisation des sommes.»

Le financement accordé aux hôpitaux et aux établissements de santé serait donc déterminé en fonction du nombre de cas, de la longueur des soins et de la nature des traitements. Des tarifs seraient fixés pour chaque type d'activité.

L'AQESSS propose d'implanter le financement à l'activité d'abord dans les hôpitaux, plus particulièrement pour les hospitalisations et les interventions d'un jour. Puis, le financement pourrait être appliqué à d'autres secteurs ambulatoires des centres hospitaliers et des CLSC. On propose d'exclure du modèle les services administratifs et l'infrastructure (immobilier, chauffage, énergie, informatique, alimentation, buanderie, entretien).

La rémunération des médecins relèverait toujours de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Le financement à l'activité a été employé pour la première fois aux États-Unis en 1983, afin de rembourser les services hospitaliers offerts par le régime public Medicare, explique une étude menée par l'AQESS qui vient d'être rendue publique. Depuis, la budgétisation des hôpitaux «par cas» est pratiquée en Angleterre, en France, en Australie, en Italie, en Suède, en Norvège, en Irlande, au Portugal, en Allemagne, en Autriche, au Danemark, au Japon, en Finlande et en Uruguay. Cette méthode s'applique généralement au volet des hospitalisations, mais s'étend dans un spectre plus large de services dans certaines juridictions, peut-on lire dans l'étude. Au Québec, il y a quelques opérations comme celles de la hanche, du genou ou de la cataracte qui sont rémunérées à l'activité.

«C'est perçu comme la voie de l'avenir, à condition que l'on s'assure que ce soit bien encadré, affirme Mme Denis. Il faudra mettre en place des mécanismes de régulation. Par exemple, il y aurait une pénalité pour éviter de garder un patient dans un lit trop longtemps. Et si on le sort trop vite et qu'il est obligé d'être réadmis, on a une pénalité aussi parce qu'on a rogné la qualité et l'efficacité de notre intervention.»

Un budget global est beaucoup plus facile à gérer qu'un financement «à l'activité», reconnaît Mme Denis. Il est important de ne pas pénaliser les hôpitaux universitaires et la recherche, qui nécessitent des sommes supplémentaires, dit-elle.

«Il faut aussi préserver nos masses critiques dans les régions éloignées où il n'y a par exemple qu'un seul hôpital où les urgences restent ouvertes toute la nuit même s'il n'y a que deux patients.»

Une rencontre «exploratoire» sur le sujet entre l'AQESSS et le ministère de la Santé se tiendra au début du mois de mars. Mme Denis aimerait que le ministre de la Santé accepte de mettre sur pied un projet-pilote dans quelques établissements du Québec. «En France, il a fallu cinq ans pour introduire le financement à l'activité. Il faut y aller lentement. Au Québec, la santé, c'est un paquebot et il ne faut pas que ça devienne le Titanic. Ça ne peut pas virer d'un coup à 180 degrés», dit-elle.