Les médecins spécialistes pourront plus facilement augmenter leur pratique en cabinet privé grâce à un déplafonnement de leur rémunération consenti par le ministère de la Santé, a appris La Presse Canadienne.

Cette mesure, discrètement entrée en vigueur il y a six mois, n'a pas entraîné de diminution de la prestation de soins dans le réseau public, a assuré le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Gaétan Barrette.

M. Barrette croit cependant que cela témoigne de la volonté du gouvernement d'accroître l'offre de service à l'extérieur des établissements hospitaliers publics.

«À long terme, l'hôpital n'aura pas la capacité de donner des services de plus, a-t-il dit lors d'une entrevue. Ils vont se donner à l'extérieur parce que c'est ça qu'ils veulent manifestement, au gouvernement, puisqu'ils n'investissent pas dans les hôpitaux.»

Le ministère de la Santé a confirmé jeudi que les honoraires des médecins spécialistes pratiquant en établissement public n'entrent plus dans le calcul de leur plafond salarial. Ce seuil est établi depuis le 1er juillet à partir de leur seule rémunération en cabinet privé.

M. Barrette a affirmé que ce déplafonnement avait été décidé à la suite de l'entrée en vigueur du programme de procréation assistée, où les spécialistes atteignaient plus rapidement le seuil maximal de leur rémunération.

Par mesure d'équité, il a été convenu entre la FMSQ et le ministère que les honoraires perçus en milieu hospitalier par tous les spécialistes seraient désormais exclus du calcul de la rémunération semestrielle, a indiqué M. Barrette.

«Les revenus faits à l'hôpital ne comptent pas dans le calcul du plafond alors qu'avant ils comptaient, a-t-il dit. Si vous gagnez 200 000 $ dans le semestre, l'argent qui est fait à l'hôpital n'est pas compté, donc vous pouvez gagner ça de plus.»

Le plafond salarial des médecins spécialistes est de 214 900 $ par période de six mois, une hausse par rapport au montant de 208 000 $ auquel ils étaient astreints avant les plus récentes modifications.

Pour tout surplus, les honoraires des actes médicaux sont payés à 25 pour cent du tarif, indique un document de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

En 2003, le gouvernement avait déjà réduit à 50 pour cent le montant de la rémunération en établissement public entrant dans le calcul du plafond des spécialistes.

La FMSQ n'a pas été en mesure de préciser combien de médecins spécialistes se heurtaient chaque semestre au seuil qui leur était imposé, avant le déplafonnement de leur rémunération en milieu hospitalier.

La députée péquiste Agnès Maltais a déclaré jeudi que la plus récente décision touchant la rémunération des spécialistes constitue un encouragement à la mixité de pratique publique-privée.

«La pratique suit l'argent, elle ne suit pas le patient, a-t-elle dit. C'est le patient qui suit l'argent. Là, l'intérêt sera d'aller dans la clinique et les patients vont suivre.»

Mme Maltais a affirmé que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a une position contradictoire concernant la place du privé en santé.

«C'est clair que le ministre est en train d'encourager la mixité pendant qu'il la dénonce», a-t-elle dit.

La semaine dernière, en réponse à Mme Maltais qui l'accusait de laxisme envers les cliniques privées, M. Bolduc a déclaré que les libéraux sont contre le modèle de mixité de pratique souhaité par l'Action démocratique du Québec, parce qu'il causerait des pénuries dans le réseau public.

Le ministre a plutôt plaidé pour un système public fort avec une «collaboration» du privé.

M. Barrette a affirmé que les statistiques dont il dispose ne démontrent aucune hausse significative de la pratique en cabinet depuis l'entrée en vigueur du nouveau calcul du plafond salarial.

Par contre, la FMSQ juge qu'en n'investissant pas dans l'augmentation de la capacité de soins des hôpitaux, le gouvernement limite le réseau public.

«À un moment donné, il faut décoder les messages du gouvernement, a dit M. Barrette. Le gouvernement n'est pas capable d'aller sur la place publique pour dire: je bloque le volume des hôpitaux. Ils vont se faire «blaster'. Mais dans les faits, c'est ce qu'ils font.»