En se basant sur les effets pervers confirmés de la visibilité des produits du tabac dans les dépanneurs et épiceries, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) recommande de mettre les publicités de loteries sous haute surveillance. Non seulement les présentoirs de loteries instantanées et les languettes publicitaires sont à la hauteur des yeux des enfants, mais ils sont souvent situés dans des commerces à moins de 15 minutes de marche des écoles, révèle un rapport de l'Institut, dont les résultats viennent d'être dévoilés.

Afin de parvenir à ce constat, l'INSPQ a embauché quatre observateurs qui ont fait la tournée de 341 points de vente de Loto-Québec répartis dans 29 villes, dont Montréal, Laval, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay. Pour des raisons économiques, le Nunavik et les Terres-Cries-de-la-Baie-James ont été exclus.

Les observateurs ont ainsi enquêté incognito sur la présence des loteries dans 156 dépanneurs sous bannière, 119 sans bannière et 66 marchés d'alimentation. À noter qu'au moment de l'étude, en 2008, tous ces commerces faisaient la promotion du tabac, laquelle est aujourd'hui formellement interdite par la loi. L'étude a aussi eu lieu avant l'introduction dans les dépanneurs des écrans plasma de Loto-Québec annonçant notamment les prévisions météo.

Leur tournée a d'abord révélé que, dans la presque totalité (94%) des dépanneurs, il y avait des présentoirs de fiches de sélection de loteries. Cette proportion est plus basse (84%) dans les épiceries. Mais les présentoirs de loteries instantanées sont encore plus présents. Ils ont été recensés dans 98% des dépanneurs et dans 92% des marchés d'alimentation visités.

Fort de ces résultats, l'Institut s'est demandé si les points de vente de Loto-Québec se trouvaient dans un rayon de 500 mètres d'une école accueillant des mineurs. On a aussi voulu savoir le niveau socioéconomique des quartiers. Il appert qu'une école se trouvait à proximité d'un peu moins de la moitié des dépanneurs et épiceries visités. On a ensuite constaté que parmi les 156 dépanneurs sous bannière, 56 étaient situés dans un quartier défavorisé. C'était vrai également pour 53 des 119 dépanneurs sans bannière (45%), et 33 des 66 marchés d'alimentation (50%).

L'INSPQ n'a pas de pouvoir décisionnel, mais observe que, dans ce contexte, il est vraisemblable que les enfants et adolescents sont exposés à ces incitations à jouer malgré la loi sur l'accès aux loteries pour les mineurs. L'auteure principale du rapport, Élisabeth Papineau, estime qu'il y a aussi lieu de se poser des questions sur les types de loteries offerts.

«On n'a qu'à penser à Lotto Poker qui fait jouer la chanson Poker Face, de Lady Gaga. Il y a aussi un billet de loterie dont le prix est un iPod. Sans oublier la loterie Monopoly. Notre étude est une étude d'observation, mais on peut se demander s'il n'y a pas une normalisation du jeu là-dedans. Prenez, par exemple, la cigarette très présente dans les films d'après-guerre ou la publicité avec le cow-boy Marlboro. C'était cool. Il faut donc se demander si la promotion dans les dépanneurs rend normal l'usage des loteries pour les jeunes.»

Jean-François Biron est chercheur en prévention à la Direction de la santé publique de Montréal (DSP). Il fait remarquer que Loto-Québec est le huitième annonceur en importance du Québec, avec des investissements annuels de près de 18 millions. Il explique que les directions de la santé du Québec réclament depuis près de deux ans un encadrement plus serré du jeu. «Il faudrait une politique pour considérer les éléments de dangerosité de l'exposition des loteries sur les jeunes. Il faudrait plus de retenue dans les stratégies de Loto-Québec. Parce qu'en les exposant dans les dépanneurs, on banalise le jeu.»