L'ex-ministre de la Santé Philippe Couillard estime que la gestion quotidienne du réseau de la santé devrait être retirée des mains du ministre et du ministère, pour être confiée à une société d'État indépendante sans but lucratif.

M. Couillard a fait ces commentaires jeudi alors qu'il était invité à s'adresser aux membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Est-ce que c'est vraiment une bonne chose que le ministre de la Santé soit le dirigeant ultime du système de santé lui-même, ou est-ce qu'il ne devrait pas, comme élu, être parmi ceux qui évaluent les résultats du système et également posent des questions par rapport aux objectifs que lui, comme homme ou femme politique, aura déterminés?» s'est-il interrogé.

Philippe Couillard a dit croire qu'une telle initiative permettrait de dépolitiser le réseau, et ce, même si on ne peut séparer complètement santé et politique.

«Il faut retirer un peu de politique, juste ce qu'il faut, du système de santé. Il y a des enjeux qui, par leur nature même, vont toujours demeurer des enjeux de débat politique légitime dans une société, a-t-il expliqué. Par exemple: combien d'argent on va consacrer à la santé par rapport à l'éducation? Quels éléments du système on va vouloir prioriser l'année prochaine? Quels changements on va introduire notamment dans les façons de payer?»

Selon M. Couillard, une société d'État permettrait d'alléger la gestion du réseau.

«(Il faudrait) une sorte de structure de style corporatif. Prenez la SAQ, par exemple. Une société d'État gérée de façon moderne, de façon peut-être un peu moins bureaucratique, un peu moins rigide et un peu moins micro-contrôlante que ce qu'on voit actuellement dans le réseau.»

Selon l'ex-ministre, les discours prônant l'abolition des structures comme les agences régionales de santé sont peut-être populaires, mais ils font abstraction de l'importance de leur rôle sur le plan régional.

«Les agences régionales sont là pour faire les arbitrages en région, par les gens des régions, pour qu'ils n'aillent pas poser tous leurs problèmes sur les bureaux du ministre ou du ministère à chaque fois qu'ils se chicanent entre deux extrémités des régions pour déterminer qui va avoir le scan, qui va avoir ci, qui va avoir ça.»

En contrepartie, il estime que le ministère lui-même bénéficierait d'un transfert de gestion et de la cure minceur qui s'ensuivrait.

«Le ministère gagnerait à être réduit et à se concentrer sur les grandes missions stratégiques plutôt, encore une fois, que dans le micro-contrôle de ce qui se passe dans les établissements.»

Par ailleurs, l'ex-ministre croit que le temps est venu de revoir le mode de financement des hôpitaux afin que leurs budgets tiennent compte de leurs activités plutôt que de leur allocation historique.

En contrepartie, M. Couillard demeure convaincu que les paramètres de la Loi canadienne sur la santé - notamment le financement public et l'universalité - ne doivent pas être remis en question.

Philippe Couillard est aujourd'hui conseiller stratégique chez Secor, un poste qu'il qualifie de stimulant et où il peut mettre à contribution les nouvelles compétences qu'il dit avoir acquises dans le domaine de la gestion. Quant à un éventuel retour à sa pratique en neurochirurgie, il a répondu avec humour que cette possibilité posait quelques embûches.

«J'ai été presque six ans sans pratiquer. Je ne sais pour vous, mais moi, si j'étais un patient et que quelqu'un entrait dans ma chambre et disait: je vais t'opérer dans la tête mais ça fait six ans que je ne l'ai pas fait...»