Le Collège des médecins du Québec fait une solide mise en garde aux médecins de famille qui ne soignent qu'un problème de santé à la fois au cours des visites avec rendez-vous de leurs patients. Dans un blogue lancé cette semaine sur le site du Collège, le Dr Yves Robert, trésorier, écrit qu'il a observé une augmentation des signalements et des plaintes de patients rapportant que leur médecin limite leur intervention à une seule question ou à un seul problème de santé.

Selon le Dr Robert, des médecins iraient même jusqu'à exiger de leur patient qu'il prenne un autre rendez-vous pour chacune des questions liées à leur santé. «Le Collège est interpellé et comprend la frustration bien légitime de ces patients», ajoute-t-il. Et il termine son billet en signalant qu'il ose croire qu'il ne s'agit là que «d'une dérive passagère, qui cédera le pas à une salutaire prise de conscience collective».

Paiement à l'acte

Joint par La Presse, le Dr Robert a expliqué qu'on est loin d'un fléau. Il n'en demeure pas moins que l'Ordre affirme recevoir davantage d'appels de patients ces jours-ci. «On pourrait s'interroger sur la motivation de ces médecins, dit-il. Il serait tentant de répondre rapidement qu'il est financièrement plus avantageux de traiter un seul problème à la fois dans un contexte de paiement à l'acte.»

Le Collège espère ainsi que les nouveaux modes de rémunération prévus dans la dernière entente entre les médecins et le gouvernement permettront d'enrayer le problème. Selon l'entente, qui n'est cependant pas encore en application et toujours à l'étape de la conception, les médecins pourront négocier des sortes de forfaits annuels tenant compte du nombre de patients et du temps consacré au téléphone pour obtenir des résultats d'analyses de laboratoire, ou de la complexité des prises en charge.

À la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le président, le Dr Louis Godin, estime que le phénomène dénoncé par le Collège est «peu fréquent, voire marginal». Quant aux nouvelles mesures de rémunération, il rappelle qu'il n'y a encore rien en oeuvre.

Population vieillissante

«Et la réalité d'aujourd'hui, c'est que le patient demande plus de temps. Il n'est pas rare qu'un patient doive prendre 12 pilules par jour pour 7 ou 8 pathologies différentes à traiter. Les examens prennent de plus en plus de temps, et il serait faux de croire que les médecins de famille travaillent moins en ne tenant compte que du nombre de patients qu'ils reçoivent dans une journée.»

Le Dr Robert pense pour sa part qu'il faudrait faire appel aux infirmières praticiennes spécialisées pour les problèmes de santé mineurs. «Dans un sens, nous sommes victimes du succès de la médecine, estime-t-il. Dans les années 70, les gens ne vivaient pas vieux. Aujourd'hui, les patients de 80 ans sont nombreux. Il faut donc que les médecins s'entendent avec leurs patients sur un plan de traitement, en donnant la priorité aux problèmes les plus urgents à traiter.»