«Si tu mets ta webcam, je peux te guider. On peut le faire ensemble, en ligne, pour que ça te fasse moins peur. Je sais que c'est effrayant. Ne t'en fais pas, ça va bien aller.»

Les parents de Nadia Kajouji croyaient la jeune Torontoise bien en sécurité à l'Université de Carleton, à Ottawa.

Comme le démontre ce courriel reçu par leur fille quelques heures avant sa mort, rien n'était moins vrai. Plongée au coeur d'une profonde dépression, l'adolescente de 18 ans a surfé sur l'internet. Au lieu d'y trouver de l'aide, elle est tombée sur un prédateur. Infirmier et père de famille de 49 ans, ce dernier lui a envoyé des courriels pendant 10 jours, en se faisant passer pour une jeune employée des urgences, qui comprenait ses souffrances et voulait la suivre dans la mort. C'était tout le contraire: William Melchert-Dinkel lui a savamment expliqué comment se pendre et espérait la filmer en train de le faire.

Même si l'étudiante n'a pas retenu sa méthode, «c'est comme s'il lui avait donné la dernière poussée», se désole aujourd'hui son grand frère, Marc Kajouji.

Derrière son écran, à une heure de Minneapolis, Melchert-Dinkel a aussi conduit vers la mort un jeune Britannique de 32 ans, Mark Drybrough, qui a suivi ses conseils à la lettre.

Alertés par une citoyenne, qui a retrouvé plus de 20 personnes sollicitées par Melchert-Dinkel et amassé une preuve impressionnante, les policiers britanniques n'ont rien fait. Ceux d'Ottawa non plus.

D'après les documents déposés en cour par la police américaine -qui l'a finalement arrêté-, l'homme a pourtant admis avoir fait cinq victimes, disant traquer les dépressifs pour l'«excitation de la chasse». Il a été condamné à un an de prison et à 50 000 $ d'amende le printemps dernier, mais a porté sa cause en appel en disant être protégé par sa liberté d'expression.

«Nous avons appris que la police canadienne enquête sur une poignée d'autres histoires du genre», révèle Rory Butler, de Your Life Counts, organisme pancanadien d'aide et de prévention du suicide.

En France, un étudiant de 23 ans a été condamné à un an de prison après avoir échangé des courriels pendant quatre semaines avec une adolescente de 16 ans rencontrée sur un forum. Il l'a ainsi guidée pas à pas, lui disant quoi ingérer, comment falsifier des ordonnances et comment s'assurer d'échapper aux secours.

En 2005, un résidant de l'Oregon, Gerald Krien, alors âgé de 26 ans, a tenté de convaincre 32 femmes de s'enlever la vie le jour de la Saint-Valentin. Une Canadienne qu'il avait sollicitée a pris contact avec la police en lisant qu'une autre femme se disait prête à se suicider après avoir tué ses enfants. Son procès ne semble pas avoir abouti.