Après deux ans de travaux, la commission parlementaire sur le suicide assisté et l'euthanasie n'arrive toujours pas à déterminer s'il faut légaliser l'aide médicale aux mourants ayant décidé d'en finir avec la vie.

La Commission sur le droit de mourir dans la dignité devait remettre son rapport cet automne, mais elle a demandé un délai de quelques mois supplémentaires pour compléter ses travaux et essayer de trouver un consensus autour de cette délicate et complexe question: l'État doit-il renoncer à poursuivre un médecin ayant aidé un patient à mettre fin à ses jours?

Selon ce qu'a appris La Presse Canadienne, sans éluder le coeur de la question, le rapport de la commission misera surtout sur l'intervention en amont. C'est-à-dire que l'essentiel de ses recommandations porteront sur les moyens à mettre en place pour éviter aux grands malades de devoir supplier qu'on les aide à mourir.

Elle recommandera donc au gouvernement d'augmenter substantiellement l'offre de services palliatifs, que ce soit à l'hôpital, en centres d'hébergement ou à la maison. De plus, les services palliatifs devraient faire partie du continuum de services aux malades, incluant ceux souffrant de maladies dégénératives. Ces services ne seraient plus réservés aux cancéreux en phase terminale.

La formation offerte aux médecins sur les soins à prodiguer en fin de vie devra être revue et augmentée. Le Code de déontologie des médecins serait modifié en conséquence.

Le combat contre la douleur, physique et morale, devra être mené de front, pour apaiser les souffrances des mourants et des grands malades, incluant la révision du protocole entourant la sédation terminale.

Les Québécois devront aussi être mieux informés de leurs droits, dont ceux de refuser tout traitement médical, cesser un traitement, refuser d'être gavés ou demander qu'on débranche un respirateur artificiel.

L'idée générale à la base du rapport sera de tout mettre en oeuvre pour que la volonté du malade soit respectée, quelle qu'elle soit, et que sa fin de vie se passe en douceur.

En cette époque d'acharnement thérapeutique, où la médecine peut transformer un mourant en malade chronique pour les années à venir, les médecins sont les premiers à réclamer de nouvelles balises.

En entrevue, la présidente de la commission, la députée libérale de Hull, Maryse Gaudreault, et la vice-présidente, la députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon, ont affirmé qu'elles ne se défileraient pas et qu'elles diraient clairement dans leur rapport si le Québec doit officiellement aider les malades qui le souhaitent à abréger leurs souffrances.

Leur rapport ne sera pas «en demi-teintes», promettent-elles. «On ne fera pas plaisir à tout le monde», prévient Mme Hivon.

Car les commissaires ont pu constater durant la consultation menée sur le sujet que l'opinion publique était extrêmement polarisée sur cette question, entre partisans du caractère sacré de la vie et défenseurs d'une euthanasie fondée sur une plus grande compassion.

«Il y a des témoignages des deux côtés qui m'ont complètement bouleversée», raconte Mme Hivon, en citant quelques histoires d'horreur entendues durant la consultation.

«On ne sort pas indemnes» d'une telle aventure chargée d'émotions, dit-elle.

Si le gros du travail est fait, il reste à trancher la question cruciale: dire oui ou non à l'aide médicale provoquant le décès.

Pour dénouer l'impasse, les députées disent qu'elles se baseront sur la recherche du «bien commun», au-delà des anecdotes entendues.

«On est toujours à peser ces arguments-là. Il y a un équilibre. C'est une décision fondamentale à savoir si c'est une bonne chose ou non pour la société d'ouvrir» sur le plan légal sur cette question, dit Mme Hivon.

Mme Gaudreault insiste sur l'importance d'adopter une approche globale, cohérente, qu'on sente «le fil conducteur» reliant l'ensemble des recommandations. Chose certaine, «on va remettre le débat à l'avant-plan», promet-elle.

Le modèle retenu sera taillé sur mesure pour le Québec, la commission n'ayant pas jugé bon d'importer des expériences de pays d'Europe (Suisse, Pays-Bas, Belgique) où on pratique différentes versions de l'euthanasie ou du suicide assisté. Contrairement aux idées reçues, elles ont dit n'avoir constaté aucun dérapage dans les pays qui ont «ouvert» sur l'aide médicale, qui est très balisée en fonction d'un protocole strict.

Mmes Hivon et Gaudreault chercheront à déposer un rapport unanime, ayant acquis l'appui des 10 autres membres de la commission, afin d'augmenter la pression sur le gouvernement pour qu'il y donne suite.

De tous les mémoires reçus, celui du Barreau du Québec a été qualifié d'«exceptionnel» par Mme Hivon, qui y a vu une source d'inspiration.

Le Barreau réclame que le droit de mourir dignement, donc avec l'aide médicale requise, soit reconnu officiellement.

Dans les faits, à l'abri des regards, la pratique existe déjà. Mais la décision est laissée à la discrétion du médecin, qui s'expose à des poursuites.

Le Barreau propose une série de balises strictes: seules les personnes majeures auraient droit à l'aide médicale, en cas de maladie incurable et de souffrances insupportables. La demande devrait être formulée par écrit avec témoins n'ayant pas d'intérêt dans la décision.

Les personnes incapables d'exprimer leur volonté devraient avoir signé un papier quand elles étaient aptes à le faire. Personne ne pourrait solliciter l'euthanasie à leur place.

«Il y a trop de morts déshumanisées, trop de morts à l'urgence, trop de gens qui n'ont pas accès aux soins palliatifs, trop de gens qui voient leurs directives non respectées», pour rester les bras croisés, plaide Mme Hivon. D'où la nécessité de voir l'État prendre enfin position.

La commission parlementaire, qui croit maintenant pouvoir remettre son rapport en février, a connu un record de participation, ayant reçu quelque 300 mémoires et entendu 400 témoignages.