Des millions de dollars que la CSST a versés depuis 10 ans aux victimes de maladie professionnelle, le tiers a été attribué à 88 cas d'asthme dont la source est à la fois commune et méconnue: les produits céréaliers qui causent l'«asthme du boulanger».

«La farine est le deuxième agent causal d'asthme en importance au Québec et ailleurs au monde», a dit à La Presse Brigitte Roberge, hygiéniste du travail à l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Boulangers, apprentis, mais aussi employés de meunerie en sont atteints.

La farine de blé «est un mélange complexe de composants dont plusieurs sont des allergènes susceptibles de sensibiliser et d'induire l'asthme par inhalation», lit-on dans l'étude que vient de publier Mme Roberge. Une recherche menée auprès de 200 boulangers marocains a relevé un taux de sensibilisation à la farine de 14,5%, en 2001. Des cas d'urticaire de contact ou d'eczéma ont aussi été signalés.

Et au Québec? Pour connaître le degré d'exposition à la poussière de farine que l'on trouve ici, l'équipe de Mme Roberge a visité 11 boulangeries artisanales. «Les résultats montrent que les travailleurs ont une exposition à la poussière de farine», a confirmé la scientifique.

Beaucoup de poussière

Au pétrin, où se fait le pétrissage de la pâte, on a relevé dans l'air une concentration médiane de 8 mg de poussière de farine au mètre cube. Il s'agit du poste de travail où le boulanger est le plus à risque. Dans l'une des boulangeries à l'étude, cette concentration s'élevait à 19 mg au mètre cube. Or, on note une augmentation du risque de sensibilisation à la farine dès... 2 mg.

Loin d'être idéales, les concentrations relevées sont tout de même largement sous la limite permise par la réglementation québécoise (qui est plutôt calculée en poussières totales). Mais «le risque serait moindre, et de beaucoup, si on abaissait la réglementation à 2 mg au mètre cube pour les poussières de farine», a souligné la scientifique.

C'est possible: l'une des boulangeries à l'étude avait «des résultats en bas de la limite de détection, a-t-elle fait valoir. Si le boulanger a une bonne ventilation, de bonnes pratiques de travail et s'il agit véritablement là où il peut agir, le risque est bien moindre».

Les risques du métier

«On est sensibles au problème», a assuré François Lodi, propriétaire de la boulangerie Dagobert, à Boisbriand, qui a participé à l'étude. A-t-il un bon système de ventilation? «Non, pas vraiment, c'est une question de coût, a-t-il expliqué. Vous ne verrez pas beaucoup de boulangeries artisanales qui ont une bonne ventilation.»

Un pâtissier du Dagobert, devenu allergique à la farine, doit maintenant éviter «le coin où il y en a le plus», a indiqué M. Lodi. «Ça fait partie des risques du métier, la poussière de farine, a-t-il poursuivi. On ne peut pas vivre dans un milieu aseptisé.»

La CSST n'a pas été en mesure de préciser combien de millions exactement elle a versés en indemnités pour maladie professionnelle depuis 10 ans.