Le ministre de la Santé Yves Bolduc réévaluera les tarifs versés aux cliniques privées de fertilité, qui profitent depuis un an d'un nouveau programme de gratuité pour les traitements de fécondation.

M. Bolduc a refusé de dire s'il diminuera le montant forfaitaire de 7 100 $ par cycle de traitements que la Régie de l'assurance maladie du Québec verse aux médecins de ces établissements.

Le cabinet du ministre a cependant indiqué que dans le réseau public, qui est encore en développement, un cycle de fécondation in vitro coûtera entre 5 000 $ et 6 000 $, incluant les honoraires du médecin, soit 2 000 $.

Constatant la progression importante de la marge bénéficiaire d'une entreprise exploitant deux des cinq cliniques privées de fertilité, M. Bolduc a minimisé l'impact de l'entrée en vigueur du programme de remboursement, le 5 août 2010, sur ses résultats.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, jeudi, le ministre a affirmé que ces établissements privés ne sont pas les seuls à faire des profits dans le secteur des soins de santé.

«Les cliniques de radiologie, eux-aussi, ont une marge bénéficiaire, les cliniques de chirurgie ont des marges bénéficiaires, les cliniques médicales de médecine de famille ont aussi leur marge bénéficiaire, a-t-il dit. C'est juste que cette compagnie rend ses résultats publics, mais c'est tout du monde qui, à ma connaissance - il n'y a personne qui s'appauvrit.»

Dans son plus récent bilan financier trimestriel, présenté en juillet, le Groupe Opmédic, qui exploite deux cliniques Procréa à Montréal et Québec, a révélé que son bénéfice net a triplé comparativement à la même période l'an dernier, pour s'établir à 1,8 million $.

M. Bolduc a refusé de se prononcer sur la possibilité que cette tendance soit la même dans les autres établissements. Mais il a déclaré qu'il était déjà prévu qu'après un an d'activité, les tarifs versés aux cliniques soient réévalués.

«On a fait faire des évaluations pour savoir quel est le prix plus juste au niveau de chaque cycle dans les cliniques, a-t-il dit. Donc il y aura des discussions et c'est possible que les prix soient réajustés à ce moment-là.»

Ce processus de devrait être complété d'ici la fin de l'année.

Le ministre a maintenu son objectif de mettre en place une capacité de 4800 cycles dans quatre hôpitaux québécois d'ici 2016, pour n'en laisser que 2200 au secteur privé.

Après neuf mois d'activité, le programme de remboursement des traitements de procréation assistée enregistrait, le 31 mai, 887 grossesses à la suite de 4300 cycles de traitement de fécondation in vitro. Au 31 juillet, 4635 cycles avaient été effectués.

Les huit premiers mois d'activité du programme ont coûté 27,1 millions $, mais M. Bolduc a soutenu que le total, pour cette première année, sera moindre que les 32 millions $ budgetés il y a un an.

«On atteint pas le budget qui était prévu», a-t-il dit, même s'il n'a pas encore les données finales.

Des dépenses moins élevées en médicaments et le report d'investissements expliquent cet écart, selon le cabinet du ministre.

En dressant un premier bilan, le ministre s'est félicité de constater que le nombre de grossesses multiples a été diminué, de 30 pour cent à cinq pour cent, grâce à un règlement qui empêche, depuis un an, l'implantation de plus de plus d'un embryon à la fois.

Selon M. Bolduc, la réduction du nombre de ces grossesses, où les complications sont fréquentes, a une incidence à la baisse sur l'occupation des services de soins intensifs.

«En étant à cinq pour cent, c'est sûr que j'économise plus d'argent en coût de santé que le programme nous coûte», a-t-il dit.

Les libéraux ont réalisé en août dernier leur promesse électorale de rembourser ces traitements, qui avait été inscrite à leur programme à l'automne 2008, grâce aux efforts de l'ex-vice-présidente du Parti libéral du Québec, Karine Joizil.

Mme Joizil, une avocate, s'est récemment inscrite au registre des lobbyistes après avoir aidé une nouvelle clinique privée, le Centre de reproduction de Montréal, à obtenir son permis en juillet.

M. Bolduc a affirmé jeudi que Mme Joizil n'avait exercé aucune pression sur lui pour l'instauration du programme de remboursement.

Le ministre a soutenu que sa décision était prise dès son entrée en fonction, en juin 2008, lorsqu'il a succédé à Philippe Couillard, qui était opposé à la gratuité.

«Elle est avocate, elle s'est inscrite sur la liste des lobbyistes, elle a le droit de gagner sa vie comme tout le monde, a-t-il dit. Moi je n'ai pas eu de contact avec elle.»

Mme Joizil a elle-même reconnu que sa situation pourrait susciter des questions. Mais elle a soutenu que ce mandat de lobbyiste s'inscrit dans son implication pour cette cause, même si ses services ont été rémunérés.

«Certains diront: «elle a milité pour se créer de la business, moi je vous dis que j'ai milité pour donner de l'accessibilité à des soins de santé qui, à moi, m'ont permis d'avoir des enfants», a-t-elle dit.