Julie Laganière vit un rêve qu'elle n'avait pas les moyens de s'offrir jusqu'à récemment: avoir un enfant. À l'aube du premier anniversaire de la gratuité de la procréation assistée, le programme du gouvernement québécois, lancé le 5 août 2010, aurait déjà permis à plus de 1300 femmes de tomber enceintes, selon les calculs du Dr Hananel Holzer, directeur médical du Centre de reproduction de McGill.

Ce dernier rapporte que près du tiers des 4324 essais de fécondation in vitro FIV recensés par le ministère de la Santé depuis août 2010 ont abouti à une grossesse. «Le taux d'efficacité est de 30% à 32%. Chez nos patientes de moins de 35 ans, le taux de réussite est même de 55%», précise-t-il.

Au lancement du programme en août 2010, plusieurs spécialistes s'inquiétaient de la décision du gouvernement de préconiser l'implantation d'un seul embryon à la fois, alors que plusieurs étaient utilisés par le passé pour maximiser les chances de succès. Des inquiétudes qui ne se sont pas avérées fondées, constate aujourd'hui le Dr Robert Sabbah, président de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. «Le taux de fécondité est plus élevé que ce à quoi on s'attendait. Même en diminuant le nombre d'embryons implantés, le taux de grossesses est toujours aussi bon.» Rappelons qu'au passage, la décision a permis de faire chuter le nombre de grossesses multiples de 27% à 3,8%.

Âgée de 29 ans, Julie Laganière vient ainsi de se faire confirmer qu'elle est enceinte d'un seul bébé. Elle se compte d'autant plus chanceuse qu'elle a dû avoir recours à deux essais pour y arriver et que la note de 15 000$ pour chaque tentative avant la gratuité aurait vite enterré ses rêves de maternité. Or maintenant, elle peut même se permettre rêver à sa prochaine grossesse.

«Pour nous, c'est notre seule façon d'avoir des enfants. Et maintenant, on se sent même une certaine responsabilité parce qu'on sait qu'on a encore deux embryons qui « traînent « dans un laboratoire. C'est quand même nos cellules, c'est nos gênes», dit-elle en référence à ses embryons congelés par la clinique Ovo qui devaient servir pour des essais ultérieurs au cas où la précédente tentative aurait échoué.

Programme populaire

Julie Laganière est loin d'être la seule à avoir voulu profiter de la gratuité nouvelle de la procréation assistée. Dans les sept premiers mois du programme lancé en août 2010, près de 10 000 couples ont demandé à passer des examens de fertilité, révèlent des données obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. «C'est plus que je m'attendais. Mais il y a probablement beaucoup de gens qui ont attendu la gratuité», dit le Dr Hananel Holzer.

«Beaucoup de couples ont attendu que la couverture des frais se fasse avant d'entrer dans la jungle des traitements de fertilité. Plusieurs ne pouvaient pas se le permettre», confirme Geneviève Boutin, présidente de l'Association des couples infertiles, qui a milité pour la gratuité de ces traitements.

Du 6 août au 24 février, 190 professionnels de la santé ont facturé 27 361 actes médicaux à la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ), pour une facture totale de 15,5 millionsde dollars. Durant cette période, les chiffres indiquent que 1919 cycles de fécondation in vitro ont été complétés. Depuis, le ministère de la Santé affirme que 2405 autres ont été réalisés, ce qui risque de faire passablement gonfler la facture.

Impossible de connaître les coûts précis du programme, qui incluent, en plus des frais médicaux, l'achat d'équipement. Une porte-parole du ministère de la Santé, Nathalie Lévesque, soutient que le budget de 32 millions pour la première année a été respecté.

Elle précise qu'il est difficile de faire le lien entre les quelque 10 000 couples ayant demandé à participer au programme et le nombre de cycles réalisés. «Chaque cas est unique. Les gens peuvent décider de continuer, d'autres peuvent abandonner. Il peut y avoir des conceptions naturelles entre temps», explique Nathalie Lévesque. Un bilan complet sera fait au terme de la première année du programme.

Impossible de savoir combien d'enfants ont vu le jour, même si un registre a été mis sur pied pour évaluer l'efficacité du programme. L'Association des couples infertiles recense sur sa page Facebook quatre enfants nés de la gratuité. La première, Anne-Sophie, a vu le jour en avril.

Avec la collaboration de William Leclerc

Cycle

Le ministère de la Santé parle de «cycles de fécondation in vitro» pour décrire qu'un couple est passé à travers toutes les étapes du programme de procréation assistée, de la stimulation ovarienne au transfert de l'embryon en passant par le prélèvement d'ovules et de spermatozoïdes.