Des rats capturés par centaines. Des moisissures dans les murs. Des employés qui se plaignent de maux de tête et de problèmes respiratoires parce que l'air ambiant est vicié... Plusieurs immeubles du réseau de la santé québécois commencent à se faire vieux, et des problèmes de salubrité y surgissent chaque année, révèlent des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Du mois d'août 2009 à aujourd'hui, plus de 470 rats ont été capturés à l'hôpital Louis-H.-LaFontaine, à Montréal. Selon les rapports des firmes d'exterminateurs, jusqu'à 64 rats ont déjà été vus à l'extérieur des pavillons Cloutier, Lahaise et Bourget. Pendant plusieurs semaines, en 2009 et en 2010, on a capturé au moins trois rats par semaine. La plus grosse récolte aura été d'une douzaine en un seul jour.

La vermine entrait dans les pavillons par le compacteur à déchets. «Le compacteur a été réparé en septembre», explique le porte-parole de l'établissement, Jean Lepage. Malgré tout, il arrive parfois que des rats se retrouvent dans l'hôpital. L'immeuble, construit en 1900, se fait vieux. «La canalisation a quelques problèmes. La bâtisse est vieille. On travaille de façon continue avec une entreprise d'extermination», explique M. Lepage, qui assure que les rats ne se trouvent jamais dans les unités de soins.

L'hôpital Louis-H.-LaFontaine n'est pas le seul aux prises avec des problèmes de vermine. Le 7 décembre 2010, on a trouvé un rat mort dans le plafond du CHSLD Saint-Michel, à Montréal. À l'hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, on a installé des pièges dans la buanderie le 9 février 2010, car un rat avait été aperçu à l'intérieur d'un chariot à linge. Deux autres bêtes ont été prises le 15 juin 2010 et une autre le 9 septembre 2010 à la cuisine.

Blattes et fourmis

Certains établissements du réseau sont aux prises avec des insectes. Le 17 janvier 2011, des blattes germaniques ont été trouvées au centre de santé et de services sociaux (CSSS) Champlain «car les drains des chambres sont pleins de matières organiques», est-il écrit dans le rapport de l'exterminateur. Au CSSS Cavendish, en octobre 2010, des fourmis ont envahi le pavillon du 6465, avenue Chester. «Il y a beaucoup de nourriture sur le plancher», écrit l'exterminateur. En septembre 2008, des insectes d'humidité «montent sur les murs et sur les patients» au service de pneumologie de l'hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval. Toutes ces situations ont été corrigées depuis.

Alexandre Prud'homme, de la firme ABC Extermination, explique que la plupart de ces insectes sont inoffensifs. Seules les blattes germaniques, qui mesurent environ 1 cm une fois adultes, sont «un peu plus problématiques». «Elles peuvent transmettre des maladies. Et comme elles muent et produisent beaucoup d'excréments, beaucoup de particules peuvent se retrouver dans l'air et causer des problèmes respiratoires», note M. Prud'homme.

Moisissures

Les infiltrations d'eau causent aussi parfois des problèmes de moisissures dans les établissements de santé. À l'hôpital Louis-H.-LaFontaine, deux rapports datés de décembre 2010 notent l'état de décomposition avancé des pavillons Dominique-Bédard et Louis-Riel. «Haut niveau de dégradation et de contamination des lieux, principalement au pavillon Louis-Riel. Forte odeur de moisi dès notre entrée. Moisi sur la majorité des murs et plafonds», écrit l'inspecteur dans son rapport.

Le pavillon Dominique-Bédard a été construit en 1896 ; Louis-Riel, en 1936. «L'entretien de l'enveloppe extérieure des deux pavillons semble avoir été insuffisant au cours des années, causant l'état que l'on connaît actuellement», dit le rapport. L'équipe du Centre d'études sur le trauma a dû déménager au début de 2010 à cause des odeurs de moisissure et de l'humidité importante dans les deux pavillons. En avril 2010, les bureaux de deux ergothérapeutes ont été évacués, car les employés avaient des malaises.

M. Lepage explique que de récents travaux pour construire des immeubles d'habitation non loin de l'hôpital pourraient avoir accéléré la dégradation de ces pavillons: «On soupçonne que les eaux souterraines ont été perturbées.» Il assure que des travaux ont été réalisés et que, là encore, aucune unité de soin n'est touchée. «Notre bâtisse est vieille et on doit vivre avec ça. On investit beaucoup pour régler tous les problèmes, et on y arrive», dit-il.

En outre, la piètre qualité de l'air cause parfois des problèmes aux employés du réseau. Au CLSC René-Cassin, à Montréal, une analyse de la qualité de l'air a été réalisée le 4 juin 2010 parce que les employés se plaignaient de certains symptômes. Il faisait aussi trop chaud dans plusieurs locaux. Le rapport a recommandé de se débarrasser des tapis et de remplacer les tuiles mouillées, ce qui a été fait. Au CSSS de l'Ouest-de-l'Île, un rapport datant de janvier 2010 conclut que les concentrations de dioxyde de carbone sont trop élevées, car «aucun système de ventilation ne dessert directement les chambres».

La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la Santé, Régine Laurent, n'est pas surprise par l'état de salubrité des hôpitaux. «Il y a eu beaucoup de coupes dans l'entretien. Les gens font ce qu'ils peuvent. Mais c'est déplorable de noter que les endroits qui devraient être plus propres que propres ne le sont pas toujours, dit-elle. Ce n'est pas parce que nos bâtiments sont vétustes qu'ils sont sales ou remplis de vermine.»