Pour protester contre la lenteur des négociations avec le gouvernement pour le renouvellement de leur convention collective, échue depuis mars 2010, les médecins résidents ont interrompu hier leurs activités d'enseignement. Ils menacent en outre de déclencher une grève générale si les pourparlers continuent à piétiner.

Les médecins résidents avaient déjà tiré un coup de semonce en juin en suspendant pendant une semaine leurs activités d'enseignement. «L'objectif était de lancer un message au gouvernement pour qu'on évite d'aller plus loin, mais ç'a été un échec. Le gouvernement a persisté dans sa fermeture», constate le Dr Charles Dussault, président de la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ).

Moyen de pression

Depuis hier, l'organisation demande donc à ses membres de cesser de superviser et d'aider les étudiants en médecine en stage (les externes dans le jargon médical), jusqu'à la fin des négociations. «C'est le premier d'une longue série de moyens de pression. Il y en aura d'autres au cours des prochaines semaines, si nécessaire jusqu'à la grève générale illimitée», prévient le Dr Dussault. Et à voir les négociations «qui avancent à pas de tortue», il juge que le débrayage est «extrêmement probable».

Le gouvernement reconnaît que les discussions ont tardé et promet d'augmenter le tempo. «On a été fort occupés depuis le début de l'année avec l'ensemble du personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Dans les prochaines semaines, on espère que les négociations vont s'accélérer pour arriver à une entente qui va satisfaire les deux parties rapidement», a dit Marie-Ève Bédard, porte-parole du ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Les résidents réclament principalement une augmentation de salaire de 11,25% et une réduction de la durée des quarts de garde de 24 à 16 heures. Le salaire moyen des médecins résidents est de 51 865$, alors que la moyenne canadienne était de 60 622$ en 2010. En ajoutant les primes, les résidents estiment à 25,6% l'écart qui sépare leur rémunération de celle de leurs collègues du reste du pays. Ils réclament par ailleurs une prime d'enseignement de 269$ par période de 28 jours.

Pas d'impact sur la population

L'arrêt des activités d'enseignement ne devrait pas avoir d'impact sur les soins à la population, assurent tant le Ministère que les médecins résidents. Ce sont plutôt les étudiants en médecine - donc les futurs résidents - qui en feront les frais.

«Puisque c'est l'été, il y a plusieurs externes en vacances. Ce sera peut-être moins problématique à court terme, mais, si les négociations s'éternisent, ça pourrait devenir délétère pour notre apprentissage parce que les résidents sont responsables d'une grande partie de notre enseignement», dit Marc-Antoine Marquis, vice-président de la Fédération médicale étudiante du Québec. Il y aurait actuellement de 500 à 600 étudiants en stage dans les hôpitaux québécois. Leur nombre gonflera toutefois à l'approche de la rentrée, en septembre.

Marc-Antoine Marquis, lui-même en stage de psychiatrie au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, a dû se passer de la supervision et des conseils des résidents, hier. «C'est plus difficile d'avoir accès au médecin-patron, alors ça complique les choses», explique-t-il.

«On comprend leurs inquiétudes, mais les conditions de travail qu'on négocie aujourd'hui vont directement bénéficier aux étudiants, qui vont tous devenir éventuellement résidents», dit le Dr Charles Dussault. Ce dernier demande par ailleurs aux médecins de ne pas combler le vide laissé par l'arrêt de l'enseignement. «On demande aux patrons de ne pas compenser pour le travail qu'on fait normalement et donc d'envoyer l'externe étudier ou à la maison.»

Les quatre facultés de médecine de la province ont au contraire demandé à leurs professeurs de compenser. «Les résidents ont un apport très important dans l'enseignement qu'ils font auprès des externes, et nos professeurs vont compenser. Ils devront s'impliquer plus. On pense qu'on va pouvoir limiter l'impact pour nos étudiants», a dit le Dr Pierre Cossette, doyen de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke.