Le pédiatre Guy Letellier est arrivé au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine en mai 2010. Venu de France, il devait rester ici deux ans, le temps de faire une spécialité en physiatrie. Mais son premier permis de travail temporaire est arrivé à échéance le 5 juin, et Immigration Canada tarde à le renouveler. Le Dr Letellier n'est pas le seul dans sa situation. Chaque année, 150 000 personnes demandent un permis de travail temporaire. Cette année, elles sont aux prises avec une attente sans précédent.

«Les délais sont épouvantables. Et la situation empire depuis quelques mois», confirme Stéphane Handfield, avocat spécialisé en droit de l'immigration. Selon lui, il fallait auparavant environ six semaines pour traiter une demande de permis de travail temporaire. Sur son site internet, Immigration Canada indique actuellement: «Nous travaillons sur les demandes reçues le 12 février» - ce qui fait 131 jours.

Le Dr Letellier s'attendait à de longs délais pour le renouvellement de son permis. C'est pourquoi il a entamé les démarches à l'avance: «Dès le 2 janvier, j'ai envoyé mes papiers à l'Université de Montréal, qui a à son tour acheminé ma demande à Immigration Canada le 18 mars. Depuis, j'attends. C'est très long!»

«Les employés d'Immigration Canada sont surchargés. Le gouvernement n'investit pas dans ce ministère. Les délais s'allongent», dénonce Me Handfield.

Citoyenneté et Immigration Canada affirme que les longs délais d'attente sont dus à la hausse du nombre de demandes. «Et on a aussi beaucoup de demandes faites en double ou mal remplies, ce qui allonge les délais», explique la porte-parole de Citoyenneté et Immigration Canada, Rachelle Bédard.

Pas de RAMQ

La loi prévoit que les personnes qui attendent le renouvellement de leur permis de travail temporaire peuvent continuer de travailler si elles restent auprès du même employeur. Mais ce qui inquiète le Dr Letellier, c'est cette lettre qu'il a reçue de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), qui dit qu'il ne sera plus couvert tant que son permis de travail ne sera pas renouvelé.

À compter d'aujourd'hui, ni le Dr Letellier ni sa femme, Sandrine, ne seront donc couverts par l'assurance maladie. Plus inquiétant, leur bébé, né à Sainte-Justine en novembre, ne sera pas couvert non plus. «Même s'il est canadien, il ne peut être couvert à cause de nous. Aucune assurance privée n'accepte non plus de nous couvrir pour les mêmes raisons», déplore Sandrine Letellier.

Selon Mme Letellier, son mari apporte beaucoup à Sainte-Justine. «Il soigne des patients. Il fait de la clinique et de la recherche. On ne veut pas trop se plaindre. On comprend qu'on n'est pas dans notre pays. Mais c'est curieux qu'on manque de médecins au Québec et que ce soit si compliqué pour un médecin qualifié de rester», dit-elle.

Le porte-parole de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), Marc Lortie, est «au courant de la situation». Il explique que tous les travailleurs en attente du renouvellement de leur permis de travail temporaire sont dans la même situation. «Tout cela est dû aux délais hors normes qui sévissent à Immigration Canada. Nous sommes en discussions avec eux», dit-il.

Le problème est tel que la RAMQ a dû mettre en place un processus d'assouplissement administratif. «Les personnes qui finissent par recevoir leur permis peuvent demander rétroactivement d'être remboursées pour les dépenses de santé contractées durant la période où leur permis n'était pas renouvelé.»

«On entend souvent dire que les immigrés ne travaillent pas et qu'ils sont un fardeau. Mais ceux qui veulent travailler se voient mettre des bâtons dans les roues. Ce n'est pas normal d'attendre six mois un renouvellement de permis!», plaide Me Handfield.