Si le gouvernement du Québec a accepté de payer trois essais de fécondation in vitro aux couples infertiles, c'est notamment «à la suite de pressions de groupes ayant des intérêts économiques dans ce domaine et au profit d'établissements privés qui bénéficient aujourd'hui d'un important financement public».

C'est ce que soutient dans un avis sur la question Julie Depelteau, chercheuse associée à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), un institut de recherche indépendant à but non lucratif.

Tout comme c'est le cas en matière d'avortement, relève Mme Depelteau, «le gouvernement est prompt à remettre aux établissements privés le champ de la pratique médicale liée à la santé reproductive des femmes, en finançant les soins prodigués par ces établissements à même le régime public».

En fait, estime Mme Depelteau, «les cliniques privées génèrent des profits grâce aux soins ultra-spécialisés facilités par le programme québécois de procréation médicalement assistée, mais délèguent aux établissements publics, qui souffrent d'un sous-financement chronique, la prestation de soins de base liés à ce programme, tel l'accouchement». En conférence de presse, la chercheuse a aussi souligné le fait que, dès que les essais ont été remboursés, le taux de grossesses multiples - plus risquées pour la mère et les enfants - a chuté de façon spectaculaire. En 2009, en procréation assistée, le taux de grossesses multiples était de 27,2% (comparativement au taux naturel qui est de 2 ou 3%). Depuis que les traitements sont remboursés, il n'est plus que de 3,8%.

Comme quoi il était facile de réduire les hauts taux dangereux pour la santé - en limitant notamment le nombre d'embryons implantés chez la femme. Selon Julie Depelteau, il est déplorable que l'on ait atteint ces taux non pas en contraignant l'industrie aux meilleures pratiques médicales, par réglementation, mais en donnant «aux patientes les moyens financiers de choisir des pratiques moins risquées pour leur santé et pour celle de leurs nouveau-nés».

Des coûts plus élevés

L'IRIS doute fortement par ailleurs que le programme coûte seulement 80 millions de dollars, à terme, étant donné la demande et ce que signifie dans les faits le remboursement de trois traitements. Ainsi, fait remarquer Mme Depelteau, tous les embryons produits lors d'un cycle sont considérés comme faisant partie de celui-ci, peu importe le moment de leur implantation dans l'utérus, que ce soit rapidement ou quelques mois plus tard. Les frais s'en trouvent augmentés, ne serait-ce qu'en congélation d'embryons.

Selon l'IRIS, les coûts réels du programme risquent beaucoup plus de se rapprocher de l'évaluation faite par la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui estimait plutôt que le programme coûterait 200 millions par année.

Par sa porte-parole, Natacha Joncas-Boudreau, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a défendu son programme, «dans lequel il croit beaucoup». Le ministre a aussi fait préciser qu'il est prévu de développer les services de procréation assistée dans le secteur public, notamment au CHUM, au CHUS, au CHUQ et à l'hôpital Sainte-Justine.

L'Association des parents infertiles, qui a beaucoup milité aux côtés de Julie Snyder pour la gratuité des traitements, n'avait pas de porte-parole disponible, hier. Les cliniques privées sollicitées n'ont pas rappelé et Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes, était à l'extérieur de la ville, mais a fait dire qu'il souhaitait mettre son grain de sel dans ce débat à son retour.