McCain, plus grand producteur de frites du monde, s'est battu pour permettre à ses «bâtonnets de pommes de terre nutritifs, savoureux et populaires de conserver leur place dans les établissements scolaires du Québec». Cet extrait est tiré d'un échange d'une dizaine de lettres entre l'entreprise et le ministère de l'Éducation (MELS), obtenues par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Dès l'annonce du virage santé en 2007, McCain fait valoir que ses frites et pommes de terre en dés assaisonnées «conviennent à la vente dans les écoles du Québec». Le Ministère répond que les frites doivent être éliminées des cafétérias.

«Les frites McCain sont blanchies dans de l'huile bouillante au cours du processus de production», rétorque l'entreprise. Pas vraiment frites, puisque les écoles les cuisent au four... Sans fléchir, le Ministère explique au géant des frites qu'on blanchit dans l'eau. Et que ses bâtonnets «sont des pommes de terre préalablement frites», donc interdits!

Les producteurs de pommes de terre inquiets

Maintenant que les frites ont fait leurs adieux aux élèves, le sort des autres pommes de terre (pilées ou au four) inquiète la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec. «Notre crainte, c'est qu'en sortant les chips et les frites, on jette le bébé avec l'eau du bain», a expliqué Clément Lalancette, directeur général de la Fédération.

Dans une cafétéria d'entreprise où les frites ont été retirées pour des raisons de santé, la consommation de pommes de terre a baissé de 50 à 60%, selon une étude réalisée pour la Fédération en 2010. «Un développement de produits alternatifs plus santé sera de mise puisque les alternatives à la fameuse frite si en demande ne sont pas légion», indique l'étude. «On a des projets, on ne va pas rester les bras croisés», a assuré M. Lalancette.

Les É.-U. s'ajustent

Aux États-Unis, où de nouvelles normes nutritionnelles viennent d'être annoncées pour les cafétérias scolaires, l'industrie alimentaire s'ajuste aussi. The Schwan Food Company, fournisseur de pizzas surgelées dans 72 000 écoles américaines, offre une pizza «santé» avec croûte de blé entier et teneur en sel et en gras réduite. Gros hic: chaque portion contient 15 grammes de sucre, contre 6 dans la version traditionnelle, a dénoncé la journaliste spécialisée en agroalimentaire Melanie Warner.

«Si vous donnez aux élèves des aliments nutritifs qu'ils n'aiment pas, ils ne les mangeront pas», a dit Michael Wiser, directeur du marketing des services alimentaires de Schwan, dans un communiqué.

«L'industrie est là pour faire de l'argent, on s'entend, a dit Anne Gagné, présidente de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec. Si on lui dit que les consommateurs veulent des produits sains, elle va s'adapter. Déjà, il y a des changements qui se font. Le virage santé a bousculé les milieux scolaire et alimentaire.»