Plus on vit loin de Montréal et de Laval, et meilleures sont les chances pour les personnes âgées d'obtenir une chirurgie pour une fracture de la hanche dans un délai de deux jours et moins après leur admission à l'urgence. Et si les patients avaient le choix - ce qui n'est évidemment pas le cas quand on se brise la hanche - il semble qu'il vaut mieux se faire opérer en orthopédie au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ou encore en Abitibi-Témiscamingue.

Ce constat sur les fractures de la hanche émane d'une étude de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), qui pour la première fois cette année, a été en mesure d'établir un comparatif avec les données du Québec et celle de deux autres provinces; l'Ontario et l'Alberta. Les données sont rendues publiques aujourd'hui. De manière générale, on observe que la province du Québec a une moyenne au bâton aussi bonne que les autres provinces, mais la situation se corse quand on examine les régions où il y a des centres hospitaliers universitaires, comme à Montréal et à Laval, démontre l'analyse de L'ICIS.

Dans l'ensemble de la province du Québec, près des deux tiers (61%) des victimes d'une fracture de la hanche ont subi une intervention le jour même de leur admission à l'urgence ou le lendemain, tandis qu'à Montréal et à Laval plus de la moitié des personnes âgées ont dû attendre deux jours, quand ce n'est pas trois, avant d'entrer en salle d'opération. À l'inverse, plus de 9 patients sur 10 de l'Abitibi-Témiscamingue (92,4%) et plus de 8 patients sur 10 (85,9%) au Saguenay-Lac-Saint-Jean sont parvenus à se faire traiter le jour même ou le lendemain de leur fracture.

Idéalement, fait remarquer un expert de l'ICIS, Claude Lemay, il faudrait pouvoir comparer les hôpitaux entre eux pour tirer des conclusions, mais il semble que l'accès au bloc opératoire soit un facteur déterminant. «Dans les centres universitaires, l'accès au bloc opératoire n'est pas le même en raison des cas plus complexes, comme pour les dons d'organes ou les transplantations, dit-il. Il faut aussi noter que l'ouverture d'une salle nécessite des anesthésistes, infirmières et techniciens. Toutefois, on peut croire que la décision de l'Abitibi de concentrer son orthopédie dans un seul établissement a des effets positifs. Ils ont consolidé et on voit les résultats.»

Le président de l'Association d'orthopédie du Québec (AOQ), Dr Louis Bellemare, est d'accord pour dire qu'il y a un problème, mais pas seulement à Montréal et à Laval. Il parle d'un «manque de ressources». «Où je pratique, à Amos, 25% de nos salles de chirurgie sont actuellement fermées à cause d'un problème au niveau de la chaîne de montage. On manque d'infirmières, et plusieurs sont sur le bord de la retraite. Au niveau des anesthésistes ça ne va pas si mal, mais il n'est pas rare que nos les orthopédistes commencent leur semaine avec 25 patients en attente d'une chirurgie. Et comme on passe après les urgences cardiaques, en neurochirurgie, ou autres, on doit reporter.»

Au Québec, près de 5000 personnes âgées ont dû se faire opérer pour une fracture à la hanche en 2009 et 2010, selon les données de l'ICIA. En Ontario, le nombre de patients hospitalisés est de 6604 pour la même période, et de 1617 en Alberta. Selon la province, on estime enfin le coût moyen des soins pour fracture pour le réseau de la santé varie d'environ 12 000 à 17 500 dollars, en incluant l'hospitalisation et la réadaptation.

En raison des complications multiples d'une fracture à la hanche chez les personnes âgées dont les os sont souvent usés, le délai de deux jours et moins pour obtenir une chirurgie est devenu la cible internationale à atteindre, adoptée aussi par l'Association médicale Canadienne. Les chirurgiens en orthopédie du Québec, ils sont environ 400 en pratique active, ont déjà demandé des ressources supplémentaires au gouvernement pour répondre à la demande. Souvent aux prises avec des listes d'attente frôlant six mois, plusieurs orthopédistes ne prennent plus de patients, ajoute Dr Bellemare, une façon de s'assurer qu'ils ne se feront pas taper sur les doigts par Québec qui a ciblé des délais de six mois et moins pour les chirurgies de la hanche et du genou, dit-il.

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Bonne moyenne au bâton

Au Québec, en 2009-2010, 61% des patients ont subi une chirurgie pour une fracture à la hanche le jour même ou le lendemain de leur admission à l'hôpital, soit dans un délai de deux jours. En Ontario, 58%, et en Alberta 59%, ce qui place le Québec en bonne position, mais moins quand on observe les longs délais à Montréal et à Laval, ou dans plus de la moitié des cas, les personnes âgées ont dû attendre plus de 48 heures, au-delà de la cible de l'Association médicale Canadienne.