Les hôpitaux du Québec ont jusqu'à mars 2012 pour éliminer la malbouffe de leurs menus. Déjà, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) innove avec un service alimentaire à la carte, comme à l'hôtel. Est-ce la fin des plateaux peu ragoûtants servis à heure fixe?

Dès que la faim se pointe, on consulte le Menu à la carte. Omelette florentine le matin? Salade de poulet grillé et mandarines le midi? Sauté à l'orientale le soir? Un coup de fil pour passer la commande et c'est livré à la chambre, en une heure maximum. Cette réalité d'hôtel se vit... au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

«Ici, les patients mangent ce qu'ils veulent, à l'heure qu'ils veulent, dit Martin Lapointe, coordonnateur des services alimentaires et diététiste au CUSM, rencontré dans les cuisines de l'Hôpital général de Montréal. S'ils souhaitent un déjeuner à l'heure du souper, c'est faisable.»

Difficile à croire quand on connaît les plateaux tièdes généralement servis aux malades à heures fixes, mais vrai. «On offre un choix de 38 plats chauds par jour, d'une trentaine de desserts et 600 possibilités de sandwiches, sans aucune friture», énumère Janis Morelli, chef du service de nutrition clinique au CUSM.

C'est à Boston, en 1995, que le programme Menu à la carte a été créé, pour les cancéreux à l'appétit fragile. Premier à l'implanter au Canada en 2005, le CUSM reste le seul à l'offrir au Québec, à 90% de ses patients, les autres étant restreints à une diète liquide.

«C'est pratique: si quelqu'un va faire de la physiothérapie et revient à deux heures, dans un système traditionnel, il aura raté le dîner, indique M. Lapointe. Chez nous, il peut commander et manger dans les 60 minutes qui vont suivre.»

Taux de satisfaction de 94%

De 750 à 900 plateaux sont servis sur demande chaque jour, avec un vif succès. Le taux de satisfaction envers les repas est passé de 74% à 94%, une fois le programme Menu à la carte instauré. Les choix les plus populaires? La cuisse de poulet rôti, le club sandwich à la dinde et le yogourt aux fraises.

Même le célèbre chef Chuck Hugues, du restaurant Garde Manger de Montréal, a apprécié le service lors d'un récent passage à l'Hôpital général comme patient!

«Les gens aiment ça, témoigne Marie-Josée Lefebvre, l'une des techniciennes en nutrition qui prend les commandes téléphoniques. Ce qui est le fun, c'est qu'on peut les conseiller sur les choix à faire, s'ils sont diabétiques, par exemple. Ça pourra leur servir quand ils vont retourner chez eux.»

Impossible, en effet, de commander quatre desserts s'il faut contrôler sa glycémie. Un logiciel compile et analyse les demandes de chacun afin qu'elles correspondent à la diète prescrite.

Gaspillage réduit de 25%

Évidemment, on ne transforme pas une cuisine d'hôpital traditionnelle en service quasi hôtelier sans heurts. «Ç'a été un choc, un défi côté organisation, mais c'est faisable», indique M. Lapointe. Le personnel n'est pas plus nombreux, mais les tâches ont été revues. «On a moins de personnes aux lignes d'assemblage, plus de cuisiniers et de livreurs», explique-t-il.

Des plats comme la casserole de pois chiches sont congelés en portion individuelle, puis réchauffés. D'autres, sautés ou boeuf haché, sont cuits à la minute. «Côté qualité et fraîcheur, c'est de loin supérieur, estime Pierre-Marc Poirier, chef des opérations, croisé en pleine période de pointe du midi. Et la température des mets est plus adéquate.»

Autre avantage: le gaspillage est réduit du quart. «On jette 25% moins de nourriture à la poubelle», dit M. Lapointe. En cas de petite faim, les malades peuvent commander une demi-portion ou se contenter d'un bagel ou d'un fruit.

«Pour les gens hospitalisés pour une courte durée, c'est une belle initiative, qui amène plus de flexibilité, observe Denise Ouellet, professeure en nutrition à l'Université Laval. En plus longue durée, ça devient toutefois comme aller au même resto tous les jours, c'est plus limité.»

«Dans un hôpital, les patients n'ont pas beaucoup le contrôle, fait valoir M. Lapointe. Si au moins ils ont le contrôle sur leur nourriture, c'est une plus-value à leur offrir.» Le Menu à la carte sera implanté au nouvel hôpital du campus Glen, dès son ouverture en 2014.

***

Fin des légumes bios à l'hôpital Jean-Talon

Verdir un hôpital n'est pas évident. L'hôpital Jean-Talon a acheté des légumes biologiques pendant quatre ans grâce à Équiterre, mais l'expérience ne sera pas renouvelée cette année. «Le camion de leur fermier s'est brisé», a expliqué Isabelle St-Germain, coordonnatrice générale adjointe d'Équiterre.

Plusieurs obstacles se dressent quand un fermier veut alimenter un hôpital: les volumes produits ne sont pas assez gros, la main-d'oeuvre de l'institution est insuffisante pour laver et peler les légumes, la politique d'achat oblige à choisir le plus bas soumissionnaire, etc. Rien d'insurmontable si le gouvernement veut réellement favoriser l'achat local, a plaidé Mme St-Germain.

***

Un menu à la carte au futur CHUM

À partir de 2016, le futur CHUM offrira lui aussi un menu à la carte. La distribution de plateaux-repas traditionnels sera toujours assurée. «Mais on souhaite y ajouter un service de type hôtelier, où les patients peuvent commander un repas de leur choix par l'intermédiaire d'un centre d'appel, a dit Lucie Dufresne, conseillère en communication du CHUM. Ce service alimentaire plus personnalisé sera adapté à la fois aux besoins alimentaires et thérapeutiques et aux goûts des patients.»