Héma-Québec vient de recommander au ministère de la Santé la mise sur pied d'une banque de lait maternel destinée aux grands prématurés. En plus de prévenir une pathologie souvent fatale chez les nourrissons, cette initiative pourrait permettre au système de santé de réaliser des économies de plusieurs centaines de milliers de dollars annuellement, évalue l'organisme dans une étude remise au gouvernement il y a quelques jours.

Reconnu pour ses collectes de sang, Héma-Québec a étudié, au cours de la dernière année, la possibilité de gérer une banque de lait maternel qui aurait pour objectif de prévenir l'entérocolite nécrosante chez les enfants nés à 32 semaines de grossesse et moins. Cette grave maladie du tube digestif peut, dans le pire des cas, engendrer la nécrose de l'intestin.

«L'idéal, c'est que les grands prématurés soient nourris au lait de leur mère, mais dans 15 à 30% des cas, la mère ne peut pas allaiter, a expliqué le Dr Marc Germain, vice-président aux affaires médicales d'Héma-Québec. Dans ces cas-là, les études scientifiques démontrent que, lorsqu'on a le choix entre du lait maternel de banque ou du lait artificiel, le lait maternel de banque va diminuer de façon considérable et très claire le risque de souffrir d'entérocolite nécrosante, une complication que l'on veut absolument éviter parce qu'elle prolonge l'hospitalisation, elle peut mener à des opérations et, dans des cas extrêmes, elle peut laisser des séquelles.»

Selon le Dr Germain, de 5 à 6% des bébés prématurés souffrent d'entérocolite nécrosante. Cela représente entre 45 et 70 cas annuellement au Québec. «Évidemment, ce ne sont pas tous les cas qui pourraient être prévenus. Mais les études suggèrent que (le lait maternel de banque) réduit le risque de souffrir d'entérocolite nécrosante de 50 à 70%. On pense pouvoir prévenir jusqu'à 20 cas par année», a-t-il évalué.

À première vue, le nombre de cas évités peut sembler négligeable. Mais les traitements et les hospitalisations dans les unités de néonatalité coûtent cher. La prévention d'un petit nombre de cas pourrait permettre au système de santé d'économiser annuellement jusqu'à 1,25 million, selon les premières estimations d'Héma-Québec.

Si le ministère de la Santé accepte de financer le projet, la mise sur pied d'une banque de lait maternel coûterait environ 500 000$ aux contribuables québécois chaque année. À cela s'ajouterait la somme d'environ 800 000$ pour démarrer le projet.

Le projet nécessiterait le recrutement d'environ 250 donneuses par an. Ces mères devront fournir leur surplus de lait pour une période allant de deux à six mois. Comme pour le sang, les dons se feraient de manière volontaire. Si le projet imaginé par Héma-Québec va de l'avant, quelques centaines de petits Québécois auraient accès au lait de la banque.

Les Québécois divisés

Lorsque sondés sur la création d'une banque de lait maternel, les Québécois sont divisés, révèle une enquête Angus Reid que La Presse a obtenue en exclusivité. Au total, 33% des répondants estiment qu'il s'agit d'une dépense superflue. En revanche, 27% des gens pensent qu'une telle banque devrait ouvrir si les coûts sont négligeables et 15% croient que c'est une initiative qui en vaut la peine quels qu'en soient les coûts. Les femmes et les 18 à 34 ans ont davantage tendance à approuver l'idée d'une banque de lait maternel que les hommes, les 35 à 54 ans ou les 55 ans et plus. Fait à noter, la question n'indiquait pas que l'initiative d'Héma-Québec visait les grands prématurés. Le sondage Angus Reid a été mené en mars 2011 auprès de 811 répondants. La marge d'erreur est de plus ou moins 3,44 points de pourcentage.