Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, inaugurera à l'été le Centre intégré de cancérologie, à Laval, ce qui réglera une partie des problèmes du CHUM, qui peine à répondre au nombre sans cesse grandissant de cas de cancer. Dès la première année, au moins 1000 patients qui auraient dû se faire traiter à Montréal pourront se tourner vers Laval pour obtenir des soins avancés en oncologie.

L'ouverture prochaine du Centre, construit au coût de 33 millions et doté d'une enveloppe de 28 millions pour l'équipement, n'est pas étrangère à la décision du ministre Bolduc, en février dernier, d'ouvrir en banlieue de Montréal la majorité des postes de spécialistes au Québec, selon ce qu'a appris La Presse. Six postes de radio-oncologue ont été ouverts pour tous les hôpitaux de Montréal, tandis qu'on en prévoit sept rien qu'à Laval. En ce qui concerne la radiologie diagnostique, quatre postes ont été prévus à Laval et dans les Laurentides (dont à Saint-Eustache), alors qu'il n'y en a que six pour tout Montréal.

Dans une lettre envoyée la semaine dernière à la Coalition Priorité cancer au Québec, que La Presse a obtenue, le directeur général du CHUM, Christian Paire, a en effet confirmé qu'«un nombre important de patients atteints de pathologies oncologiques diverses doit aussi être pris en charge dans l'ensemble du réseau de la santé», et ce, dans le but d'alléger les listes d'attente du CHUM. Il explique aussi que des rencontres sont prévues au cours des prochains mois pour mieux définir «le partage des responsabilités».

Luc Lepage, directeur général du centre de santé et des services sociaux de Laval, explique qu'on ouvrira d'abord deux salles de traitement et que quatre autres seront mises en fonction en 2012. Dans deux ans, le CSSS de Laval estime que 1800 patients seront traités en radio-oncologie chaque année et qu'il y aura 11 000 traitements de chimiothérapie annuellement, pour 30 000 visites. Le chef du service d'oncologie de Laval, la Dre Marie-Andrée Fortin, ajoute que des partenariats sont déjà prévus avec le CHUM pour des protocoles de recherche. «Le Centre va aussi accueillir des physiciens, des technologues, dit France Dumont, chef de projet. On parle d'une équipe de 103 personnes à temps plein.»

Scepticisme

Malgré l'enthousiasme de l'équipe de Laval, le Dr Pierre Audet-Lapointe, porte-parole de la Coalition Priorité cancer, demeure sceptique. En entrevue avec La Presse, le spécialiste en obstétrique et gynécologie, qui a travaillé à l'hôpital Notre-Dame, a rappelé que, l'an dernier, plus de 100 patientes atteintes d'un cancer gynécologique ont attendu une intervention urgente durant plusieurs semaines.

«Un centre intégré implique plusieurs spécialistes et, au CHUM, malgré la volonté, on n'a même pas les équipes nécessaires. Où sont les chirurgiens en oncologie, les uro-oncologues, les oncogynécologues? demande-t-il. Au Québec, nous sommes encore dans le traitement tandis qu'en Europe et aux États-Unis, on parle de centres anticancer - ça veut dire de la prévention. Ça veut aussi dire qu'il faut également des psychiatres, des psychologues formés en oncologie, et actuellement il n'existe même pas de programme universitaire pour les former. Ce que je dis, c'est que c'est bien beau, un bâtiment, mais il faut aussi de la recherche fondamentale, de la recherche clinique, des équipes.»

À ce chapitre, on ne compte actuellement que deux radio-oncologues à Laval malgré les sept postes à pourvoir. Christian Paire a pour sa part assuré que deux nouveaux gynéco-oncologues ont été recrutés à titre de professeurs afin d'assurer la relève au CHUM. «Il faut cependant bien réaliser que le CHUM est un centre de référence en pathologie tertiaire et quaternaire dans plusieurs domaines autres que l'oncologie», a souligné M. Paire dans sa lettre datée du 7 mars.

À la Cité-de-la-Santé, à Laval, on diagnostique environ 2000 cas de cancer par année. Le CHUM, dans un récent rapport, indique qu'il accueille 74 688 visiteurs par année au Centre intégré de cancérologie. Chaque année, environ 15 000 personnes y reçoivent des traitements en oncologie, 250 en radio-oncologie (surveillance post-traitement), 1200 pour des transfusions, pour un total de plus de 16 000 traitements. Au Québec, c'est le CHUM qui reçoit le plus grand nombre de patients atteints du cancer ou soupçonnés de l'être, et ce, pour 14 sièges tumoraux différents.