La chef péquiste Pauline Marois juge «très troublant» qu'une seule société, dirigée par d'importants donateurs libéraux, ait obtenu sans appel d'offres les deux tiers des nouvelles places de ressource intermédiaire pour aînés à Montréal. Elle fait même un parallèle avec les allégations de favoritisme dans les garderies subventionnées.

La Presse a révélé cette semaine que 65% des 450 places de ressource intermédiaire pour personnes âgées qui seront créées à Montréal d'ici à 2012 appartiennent au même promoteur. Le groupe immobilier Global a obtenu ou est en voie d'obtenir des contrats d'une valeur de près de 100 millions de dollars pour exploiter 300 lits durant les 10 prochaines années. Ces contrats ont été accordés sans appel d'offres par des centres de santé et de services sociaux (CSSS), avec l'approbation de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal.

À l'Assemblée nationale hier, la députée péquiste Lisette Lapointe a signalé que les propriétaires du groupe, Anthony Falvo et Vincent Mercadante, «ont contribué pour plus de 30 000$ à la caisse du Parti libéral du Québec» depuis 2000, une information tirée des rapports du Directeur général des élections. «Comment la ministre explique-t-elle que l'attribution des places se fasse sans appel d'offres et que le groupe Global en ait obtenu à lui seul 300 sur 450?» a-t-elle demandé.

La ministre déléguée aux Services sociaux, Dominique Vien, a rétorqué que les places de ressource intermédiaire «sont attribuées par le palier local, le CSSS», et non le gouvernement. Elle a ajouté que l'enquêteur qui doit faire la lumière sur les événements troublants survenus au Pavillon Marquette a également le mandat d'examiner le processus d'attribution des places de ressource intermédiaire. «Très certainement, nous aurons des recommandations, des suivis appropriés à faire, et nous les ferons», a-t-elle dit.

Quelques heures plus tard, en conférence de presse, Pauline Marois a affirmé que le cas du groupe immobilier Global est «très troublant». «Là, le jupon a dépassé!» a renchéri son leader parlementaire, Stéphane Bédard.

Selon Mme Marois, «ça semble être le même scénario» que celui des garderies privées subventionnées. L'an dernier, le PQ a multiplié les allégations de favoritisme à l'égard de promoteurs qui contribuent à la caisse libérale. Le gouvernement Charest a modifié le processus depuis pour que le ministre de la Famille ne choisisse plus lui-même les garderies qui obtiennent de nouvelles places à 7$.

Lisette Lapointe a souligné que le groupe immobilier Global possède déjà 30 places de ressource intermédiaire à la Résidence du Parc Jarry, établissement «qui n'est toujours pas certifié». Le contrat qui lui a permis d'avoir ces 30 places est illégal, puisque, en vertu de la loi, un CSSS ne doit faire affaire qu'avec des résidences certifiées. Lisette Lapointe a rappelé que la mort d'un homme de 84 ans est survenue dans des «circonstances obscures» à la Résidence du Parc Jarry en décembre 2009; le préposé de garde avait débranché la sonnette d'alarme pour pouvoir dormir.

Interrogée pour savoir si les promoteurs ont obtenu des places en raison de leurs contributions au PLQ, Pauline Marois a répondu: «Écoutez, nous, ce qu'on constate, ce sont des faits. On met au jour des faits. Les faits, c'est qu'ils obtiennent 300 places sans appel d'offres, leur dossier n'est pas un bon dossier dans un autre centre qu'ils dirigent, et en même temps apparaissent des dons importants (au PLQ) de la part des propriétaires. Faites l'équation, puis tirez votre conclusion.»

Le PDG de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal, David Levine, a expliqué à La Presse que les CSSS ont fait des appels de propositions pour déterminer si des promoteurs étaient intéressés à obtenir des places de ressource intermédiaire. Peu ont répondu à l'appel parce que, selon lui, «ce n'est pas très payant». C'est ce qui explique que des contrats ont ensuite été donnés sans appel d'offres, a-t-il dit. Il nie toute irrégularité dans l'attribution de places au groupe Global. Les dons au PLQ, «on ne regarde pas ça. Il n'y a aucun lien avec le politique. La ministre Vien n'est pas impliquée. C'est un processus strictement administratif», a-t-il affirmé. Selon lui, la Résidence du Parc Jarry est un établissement «cinq étoiles».

De son côté, la FTQ, qui représente des travailleurs de résidences pour aînés, condamne l'attribution de places sans appel d'offres au groupe Global. «J'espère que ce n'est pas une nouvelle idéologie du Parti libéral de privatiser au profit des amis du parti», a lancé Jean-Pierre Ouellet, président du syndicat québécois des employés de service.