L'agence de la santé et des services sociaux de Montréal a fermé plus de 1700 lits en CHSLD depuis 2006 même si des centaines d'aînés en perte d'autonomie attendent une place.

L'agence assure malgré tout qu'elle «répond à la demande». Or plusieurs groupes dénoncent un manque de places dans la métropole.

Selon de nouvelles données obtenues par La Presse, il y a 12 713 places dans les CHSLD publics et privés conventionnés de la métropole. C'est 1748 de moins qu'en 2006, une baisse de 12%.

Et c'est sans compter la fermeture des unités de soins de longue durée dans les hôpitaux montréalais. L'agence a ainsi éliminé environ 500 lits depuis 2009. Un peu plus de 200 autres le seront d'ici juin.

Si l'agence a fermé des lits en CHSLD, c'est pour se donner les moyens de «diversifier l'offre de services» aux aînés, selon sa directrice générale adjointe, Louise Massicotte.

«On ne diminue pas de façon significative les places. On rééquilibre nos places», dit-elle. Elle fait valoir que 1193 places en ressources intermédiaires (RI) ont été créées au cours des dernières années. Cinq cents autres seront créées d'ici mars 2012.

Les RI sont des établissements privés qui accueillent des aînés ayant besoin de moins de trois heures de soins par jour. Les places en CHSLD sont réservées à ceux qui souffrent d'une plus lourde perte d'autonomie. Les résidants d'une RI sont supervisés de façon constante, mais pas par une infirmière. Une RI est liée par contrat avec un CSSS qui fournit tous les services professionnels.

L'agence dit avoir réduit les places en CHSLD notamment en fermant des centres vétustes et en éliminant des chambres multiples.

«Avant, notre réflexe spontané était de dire que lorsqu'une personne a de la difficulté à rester à domicile, on l'oriente en hébergement. Aujourd'hui, on se demande ce qu'on peut faire pour que la personne reste le plus longtemps possible chez elle. Et si elle ne peut rester à domicile, on se demande si elle peut vivre dans une résidence privée ou si on peut l'orienter dans une ressource intermédiaire», explique Louise Massicotte.

Il reste que 2470 aînés en perte d'autonomie attendent une place en CHSLD à Montréal, selon des données qui datent d'août dernier. Parmi eux, 1420 se trouvent à domicile. Environ 450 occupent des lits à l'hôpital. Et 600 ont déjà une place dans un CHSLD, mais attendent d'en avoir une dans l'établissement qui était leur premier choix.

Dès que l'état de santé d'un aîné l'exige, «je peux vous garantir qu'il obtient une place» en CHSLD, dit Mme Massicotte. Mais elle reconnaît qu'«il peut arriver qu'il y ait des pics où on a de la difficulté à sortir des gens de l'hôpital» et à les accueillir en CHSLD. Ce sont des situations qui surviennent «momentanément», estime-t-elle.

Un plan «scandaleux»

Bien des groupes ont une lecture différente de la situation. Ils dénoncent le manque de places en CHSLD. «C'est le problème majeur qui existe dans le système. Pour l'instant, ce n'est pas encore très gros. Mais la vague s'en vient avec le vieillissement de la population. Et le réseau n'est pas prêt à ça», dit le directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers, Pierre Blain. Comme toutes les personnes interviewées pour ce reportage, il ne remet pas en question l'idée de maintenir le plus possible les personnes âgées à domicile. Mais ce n'est pas une raison selon lui pour fermer des lits en CHSLD, car les besoins augmentent.

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, trouve lui aussi illogique de réduire les places au moment où la population vieillit. «Est-ce qu'on se contente d'attendre que le monde meure dans les CHSLD pour donner des places à ceux qui sont sur les listes d'attente? Je ne veux pas le croire. Mais si c'est le cas, c'est d'un cynisme condamnable», lance-t-il.

L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées trouve «scandaleux» le plan de l'agence de Montréal. Les 1420 aînés qui attendent à leur domicile ne reçoivent pas toujours des services suffisants des CLSC, selon le responsable du dossier santé, Jacques Fournier. Il ajoute qu'«une privatisation cachée est en cours». «L'agence fait une pression sur les familles. Elles finissent par être tannées d'attendre et sont forcées de se tourner vers le privé. Il y a des gens qui se ruinent.»

De son côté, la FADOQ de l'île de Montréal constate que «la clientèle s'alourdit» dans les RI faute de places suffisantes dans les CHSLD. Selon la directrice générale, Christiane L'Écuyer, les RI vont devenir des «mouroirs» si elles ne sont pas mieux encadrées, si leur personnel n'est pas mieux formé. Elle ajoute que le gouvernement privilégie les places en RI plutôt qu'en CHSLD parce qu'elles sont moins coûteuses, environ 30 000$ par année, contre 50 000$ en CHSLD.

L'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec confirme que sa clientèle s'alourdit. L'État doit «donner les moyens suffisants (aux RI) pour satisfaire les besoins. C'est ce qui est important au départ, et ce n'est pas certain que ce soit fait, à Montréal y compris. Mais il ne faut pas paniquer non plus», affirme sa directrice générale, Martine Castonguay. Elle rappelle que les RI et Québec négocient le renouvellement d'une entente échue depuis 2008.