Les photos de sourires aux dents noircies, de poumons malades et de victimes du tabac dans leur lit mort devraient occuper tout l'espace disponible sur les paquets de cigarettes vendus au Canada.

C'est du moins ce que souhaitent les associations québécoises de non-fumeurs, qui réagissaient jeudi à la décision d'Ottawa d'imprimer des messages plus explicites et des avertissements de plus grande taille sur les emballages de produits du tabac.

Même si elles saluent l'initiative du gouvernement fédéral, les associations croient qu'il pourrait aller encore plus loin en interdisant complètement la publicité.

La porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé, Nathalie Juteau, est très claire à cet égard. «Ce que le Conseil souhaite, tout comme tous les groupes de santé publique, c'est que très prochainement, les paquets de cigarettes soient neutres et qu'ils n'affichent aucun design publicitaire».

La Fondation des maladies du coeur du Canada et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac abondent dans ce sens. La codirectrice de la Coalition, Flory Doucas, aurait aimé des mises en garde plus importantes comme en Australie, où les messages occupent près de 90 pour cent de l'espace.

Selon elle, des emballages standardisés représentent la solution pour éviter que les entreprises du tabac utilisent l'espace disponible sur les paquets comme véhicule publicitaire.

«Plus la mise en garde occupe une surface importante sur le paquet, moins cela laisse de l'espace à l'industrie pour exploiter l'espace et faire du marketing», a-t-elle expliqué, ajoutant que les cigarettiers étaient de plus en plus inventifs. Certains paquets, illustre Mme Doucas, ont même l'allure de iPods.

Imperial Tobacco Canada réfute ce raisonnement. «Les gens sont déjà au courant des risques. On ne peut pas les informer davantage», a soutenu le directeur des affaires externes de l'entreprise, Eric Gagnon. Selon lui, Ottawa aurait mieux fait, comme promis, de s'attaquer à la contrebande, «qui est le plus gros problème lié au tabagisme au Canada».

«Pendant qu'on augmente le message de santé sur les paquets, les contrebandiers et les trafiquants illégaux vont continuer à vendre des sacs de plastique transparents sans message de santé dessus, et pour 10 $, dans les cours d'écoles», a dénoncé M. Gagnon, qui précise au passage qu'Imperial Tobacco ne destine aucune de ses publicités aux jeunes.

Des images plus grandes et plus percutantes

Ainsi, les nouvelles mises en garde couvriront une superficie plus importante du paquet, passant de 50 à 75 pour cent, a annoncé jeudi la ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, lors d'une conférence de presse à Ottawa.

Un numéro sans frais d'aide au renoncement à la cigarette figurera également sur les nouveaux paquets, qui afficheront l'un des 16 nouveaux avertissements illustrés par des images.

Quatre d'entre elles ont été présentées jeudi par la ministre, dont celle de Barb Tarbox, ex-fumeuse et militante anti-tabagisme morte du cancer du poumon à l'âge de 42 ans. Sa photo, où on la voit décharnée, à la fin de sa vie, est accompagnée d'un message qui indique qu'elle est morte d'un cancer du poumon causé par l'usage du tabac.

Selon la ministre Aglukkaq, en mettant de l'avant ce type de témoignages tragiques, les gens s'arrêteront et réfléchiront davantage aux dangers de l'usage du tabac.

Un autre avertissement qui sera imprimé sur les paquets de cigarettes illustre un enfant qui tousse et qui est assis à l'arrière d'une voiture dans un nuage de fumée. Le message indique que fumer dans la voiture n'est pas uniquement dommageable pour la personne qui a la cigarette au bec.

Les nouveaux emballages ne seront cependant pas disponibles à temps pour ceux qui auront pris la résolution d'arrêter de fumer au passage de la nouvelle année. Il y aura d'abord un processus de consultations, et les détails du numéro sans frais d'aide au renoncement sont encore en développement.

Mais la ministre a indiqué que le gouvernement tenterait d'introduire les nouveaux paquets aussitôt que possible sur le marché canadien.

Le Canada précurseur

Le Canada a été le premier pays à exiger des avertissements avec illustrations sur tous les paquets de cigarettes. Cependant, au cours des 10 dernières années, plusieurs pays ont imposé des messages de mise en garde plus explicites encore, et couvrant jusqu'à 80 pour cent de chaque paquet.

Des militants antitabac ont fait valoir que les avertissements en vigueur au Canada n'avaient plus grand effet. «Les fumeurs et le public ne les remarquaient plus», a soutenu Mme Doucas, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. «Après tout près de 10 ans, il était temps que Santé Canada améliore les avertissements sur les paquets», a renchéri Nathalie Juteau, du Conseil québécois sur le tabac et la santé.

Mais selon le porte-parole libéral en matière de santé, Ujjal Dosanjh, le gouvernement s'est traîné les pieds et cède finalement à la pression populaire. «L'annonce faite aujourd'hui est attendue depuis longtemps et laisse entendre que le lobby des compagnies de tabac continue d'avoir une forte emprise sur ce gouvernement», a-t-il fait valoir dans un communiqué.

Santé Canada prépare également une campagne de marketing visant les fumeurs - et plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes.

Selon la Fondation des maladies du coeur du Canada, 17 pour cent des Canadiens et des Canadiennes âgés de 15 ans et plus fument.