Le programme de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite devrait être «recentré», ce programme étant devenu pratiquement un congé de maternité.

C'est l'une des constatations qui ressortent d'un rapport de plus de 150 pages d'un groupe de travail chargé par la CSST de faire des recommandations concernant le régime québécois de santé et de sécurité du travail, qui a 30 ans d'existence.

Ce programme, appelé Pour une maternité sans danger, permet à une travailleuse enceinte ou qui allaite et qui croit que son travail comporte des dangers pour sa grossesse ou pour la santé de l'enfant de demander à son employeur une autre affectation.

Elle doit alors obtenir un certificat de son médecin traitant qui est remis à son employeur. Si l'employeur est dans l'impossibilité d'éliminer le danger ou d'affecter la travailleuse à d'autres tâches, celle-ci peut alors bénéficier d'un retrait préventif et recevoir des indemnités.

À mots couverts, le rapport laisse planer un doute sur l'efficacité de cette mesure, soulignant que «30 ans plus tard, aucune autre commission d'accident de travail n'a cru bon de reproduire cette mesure de prévention». Il ajoute qu'une telle couverture est «unique en Amérique du Nord».

«Bien que le programme soit en vigueur depuis 1981, rien n'indique que le Québec se démarque des autres provinces en termes de mortalité infantile et périnatale, de prématurité ou de faible poids à la naissance», relève-t-on.

Le rapport conclut aussi que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) «a progressivement abdiqué son pouvoir de gestion du programme au profit des avis des médecins traitants et des médecins du réseau de la santé publique. Ainsi, bon an mal an, 95 pour cent des réclamations sont acceptées.»

La jurisprudence a fait qu'il y a eu «glissement» de la notion de danger à une notion de risque, voire de principe de précaution.

Il s'en est suivi une «augmentation considérable du nombre de demandes et des coûts qui en résultent», ce qui a préoccupé le groupe de travail.

Ainsi, entre 1981 et 2008, le nombre de réclamations acceptées en vertu du programme Pour une maternité sans danger est passé de 1146 à 32 532, pour des déboursés qui sont passés de 2,6 millions $ à 208,2 millions $ pendant cette période.

«De l'avis d'un grand nombre de travailleuses et d'employeurs, ce programme est considéré comme un congé de maternité», soulève-t-on dans le rapport.

On y donne l'exemple de la grippe A (H1N1), qui a occasionné le retrait et l'indemnisation de 2718 travailleuses en vertu de ce programme, soit un coût supplémentaire de 23,2 millions $.

Le président du groupe de travail, Viateur Camiré, se défend de remettre en question la pertinence des objectifs du programme, mais croit qu'il y a lieu «que la CSST reprenne la direction qu'elle n'assume plus en la matière et que le programme soit recentré sur ses objectifs de départ».

Il propose donc de modifier la loi, afin de conférer à la CSST le pouvoir de déterminer les normes relatives à l'exercice du droit de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite, notamment des situations qui justifient un retrait ou une affectation.

Pas de consensus

Les représentants syndicaux du groupe de travail ont relativisé la hausse du coût de ce programme, rappelant que les femmes sont beaucoup plus nombreuses sur le marché du travail aujourd'hui qu'en 1981 et qu'il est donc normal que les déboursés aient augmenté.

À leurs yeux, s'il y a tant de retraits préventifs, c'est que les dangers pour la travailleuse enceinte n'ont pas été éliminés dans son milieu de travail. «Si, 30 ans après l'adoption de la loi et des dispositions du programme Pour une maternité sans danger, les risques identifiés sont encore présents dans les milieux de travail, il est permis de se questionner sur la volonté réelle d'agir en prévention», concluent les représentants syndicaux.

Fait à noter, le Groupe de travail chargé de faire des recommandations concernant le régime québécois de santé et de sécurité du travail n'est pas parvenu à faire consensus sur les solutions proposées; les parties patronales et syndicales ne s'entendant pas sur les solutions proposées et, parfois même, sur d'autres aspects.