Le centre d'Assistance d'enfant en difficulté (AFE), dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, est indissociable de son célèbre fondateur, le Dr Julien. Mais ce dernier a ouvert un autre centre de pédiatrie sociale, en 2003, à Côte-des-Neiges. Avec la même ambition: faire la différence dans la vie des familles, dans les communautés. Portrait d'une ressource unique, le Centre de services préventifs à l'enfance (CSPE).

Le CSPE, dans un appartement du chemin de la Côte-des-Neiges, garde toujours sa porte ouverte. Les pédiatres, psychoéducatrices, éducatrices et coordonnatrices qui y travaillent accueillent toujours avec le sourire les parents ou enfants qui viennent les voir, le plus souvent dans l'urgence.

Ce fut le cas de Julia, arrivée du Pérou avec son mari et ses deux fils en juillet 2009. L'hiver dernier, elle s'est présentée au centre, désespérée. Son fils aîné, Javier, alors âgé de 4 ans, venait de lui dire, le plus sérieusement du monde, qu'il détestait sa vie dans ce pays inconnu. «Il m'a dit: «Ce serait mieux si j'étais mort»», se souvient-elle.

Cette révélation était le point d'orgue d'une série de moments éprouvants pour la jeune famille. Entouré par sa famille élargie au Pérou, Javier s'est retrouvé coupé des siens à Montréal. Dans sa tristesse, il a refusé en bloc l'école, la langue et la vie d'ici. En colère contre ses parents, il traversait des crises de plus en plus difficiles à gérer pour la prématernelle qu'il fréquentait.

«Pour moi, tout le travail fait ici est très important», raconte la jeune femme. Dès sa première visite, le CSPE s'est occupé de Javier, mais aussi des parents. «Tout le processus n'est pas seulement pour Javier, mais pour toute la famille. Mon lien avait été cassé avec mon fils à cause de mon travail au Pérou. Ici, on a retrouvé notre relation, dit-elle. C'est bon pour mon mari et pour moi. L'intégration est déjà difficile, mais si tout va bien avec les enfants, le reste suit.»

Au CSPE, cinq pédiatres, dont le Dr Gilles Julien, travaillent auprès des parents. Quand les parents sollicitent de l'aide, un premier rendez-vous est organisé avec un pédiatre, une éducatrice, un art-thérapeute ou encore un orthophoniste, selon les besoins de l'enfant. Tout est discuté avec les parents et l'enfant.

«On écoute toujours le parent, c'est la base. Parfois, il faut plus d'une rencontre pour arriver à parler, c'est trop émotif. Il faut prendre le temps. L'important est de créer un lien pour que les parents reviennent», explique Marie-Agnès Lebreton, directrice générale du CSPE. Les actions sont aussi coordonnées avec l'école et les services sociaux, pour tout mettre au service de l'enfant.

Dans le très multiethnique quartier Côte-des-Neiges, le CSPE voit des familles de toutes origines, mais qui font face à des difficultés communes. «Il y a des problèmes liés à l'immigration, comme l'apprentissage de la langue. Certains enfants, exposés à plusieurs langues, ont des problèmes d'apprentissage. Il y a aussi les problèmes de logement et le manque de confiance dans le système», énumère Mme Lebreton.

Depuis son ouverture, en 2003, le CSPE, qui crée des liens entre les familles et les services sociocommunautaires, s'est imposé comme une ressource incontournable. La pédiatrie sociale va de pair avec l'intégration de néo-Québécois dans leur nouveau pays. Pensé comme un modèle qui pourrait être reproduit dans un autre quartier, le CSPE intervient chaque semaine auprès de 80 à 100 familles, qui peuvent être suivies, de façon plus ou moins serrée, aussi longtemps que nécessaire.

Financé par des fonds privés (notamment la Fondation Chagnon) et publics, le CSPE doit constamment trouver de nouvelles sources de financement. «C'est toujours difficile, le financement. Ce sont quand même des services importants à la communauté, qui coûtent de l'argent. On ne peut pas se reposer sur nos lauriers, on doit continuer à donner nos services», dit Mme Lebreton.

Comme le centre d'AFE, le CSPE peut compter aussi sur les dons de la communauté. «Parfois, on reçoit des billets de 10 ou 20$ et on sait que, pour certaines personnes, c'est beaucoup. Ça nous encourage, on se dit que ce qu'on fait a du sens pour la communauté, poursuit-elle. En pédiatrie sociale, la proximité est importante. On essaie de créer des liens. Pour nous, c'est fondamental.»

La guignolée du Dr Julien a lieu aujourd'hui.

www.fondationdrjulien.org