Le gouvernement du Québec vient de faire aux médecins de famille une offre que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) qualifie de «méprisante», a appris La Presse. Après avoir analysé durant 9 mois les demandes des médecins, étayées dans un document de 34 pages, le gouvernement a accouché, la semaine dernière, d'une offre qui tient en 4 pages.

Les médecins demandaient que l'écart de leur rémunération avec celle des spécialistes soit réduit de 20%; le gouvernement leur offre une maigre augmentation de 4,5% en 5 ans. Par ailleurs, l'offre du gouvernement passe complètement sous silence les questions de l'informatisation, du soutien à la pratique et des mesures pour valoriser la médecine familiale, l'enseignement et la recherche.

Le conseil général de la FMOQ - l'instance suprême de l'association, composée de 131 médecins de toutes les régions - a été convoqué d'urgence, samedi dernier, pour prendre connaissance de l'offre. Selon nos sources, les médecins étaient à ce point furieux que le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, a senti le besoin d'envoyer une lettre à ses quelque 8000 membres, hier en fin de journée, afin de leur assurer que le «combat» se poursuit et qu'il est hors de question de négocier quoi que ce soit sur cette base.

Selon cette lettre, intitulée Le dépôt gouvernemental: une vision méprisante de la médecine familiale, le gouvernement estime que les médecins de famille travaillent «moins» que les spécialistes et que, en conséquence, un «rajustement supplémentaire» à la baisse de 7,2% doit s'appliquer. Le gouvernement calcule que les omnipraticiens devraient gagner 40% de moins que les spécialistes les moins bien payés au Québec, à savoir les pédiatres, les gériatres et les psychiatres, dit encore la lettre, que La Presse a obtenue. Joint en fin d'après-midi hier, le Dr Godin a confirmé qu'une lettre avait été envoyée à ses membres pour les informer et les rassurer.

«Avec cette proposition, on passe de l'injure à l'insulte, estime le Dr Godin. Je n'ai jamais vu mes médecins aussi choqués, c'est une honte. C'est le coeur de la médecine familiale qui se joue aujourd'hui. Et je ne comprends pas le premier ministre, qui dit pourtant depuis des années que la première ligne est sa priorité.»

La FMOQ n'envisage pas de moyens de pression pour l'instant, mais elle demande une rencontre dans les plus brefs délais avec le ministre de la Santé, Yves Bolduc, afin de «comprendre». La FMOQ a par ailleurs majoré les cotisations de ses membres, samedi, afin de pouvoir lancer une campagne d'information après les Fêtes. À ce chapitre, la Fédération s'est fait remarquer, cet automne, avec une campagne-choc dans laquelle elle martelait qu'un Québécois sur quatre n'a pas de médecin de famille.

La demande de réduction de 20% de l'écart de rémunération entre les omnipraticiens et les spécialistes s'inspire de la Colombie-Britannique, où les médecins de famille ont obtenu ce redressement avec l'intervention d'un arbitre. Les provinces de l'Ontario et de l'Alberta suivent cette tendance, notamment dans le but d'inciter les étudiants en médecine à choisir la médecine familiale plutôt qu'une spécialité et d'ainsi mettre un terme à la pénurie de médecins. En 2009-2010, l'écart des salaires avec les spécialistes, en tenant compte des frais de pratique, était de 57% (brut) et de 78% (net).