J'hésite à dire que Daniel Audet est chanceux. Quand on se fait asséner un diagnostic de glioblastome, comme lui en 2007, c'est le comble de la malchance. C'est une condamnation à mort.

Glio quoi?

Glioblastome: tumeur au cerveau, inopérable et incurable.

«On m'a dit: tu en as pour quelques mois. Quatorze, max...»

Trente-six mois plus tard, pourtant, il est là, au resto. Un peu amaigri, plombé par un léger problème d'élocution (la faute à la radiothérapie). Mais vivant.

«Le glioblastome n'est pas une belle boule qu'on peut retirer, m'explique Daniel Audet. C'est un astrocytome, comme un astre, une pieuvre, qui s'insère dans les interstices du cerveau.»

Daniel avait 46 ans. Du jour au lendemain, sa vie a basculé. Une vie formidable. Famille: petite fille pétillante, relation avec une blonde qui avait, elle-même, des filles. Job: ténor du Québec inc. en tant que vice-président du Conseil du patronat.

Ces jours-ci, une partie de mes amis de gauche exècrent Daniel parce qu'il chronique au JdeM, en lock-out. Mais l'homme est le prototype du gars branché sur un tas de réseaux: souverainiste (ex-chef de cabinet de Bernard Landry, qui l'a nommé délégué général du Québec à Londres en 2000), de centre droit (siège à l'Institut économique de Montréal), il a des amis partout, chez les fédéralistes et chez les sociaux-démocrates.

Or, ces réseaux lui ont probablement, en partie, sauvé la vie. En 2007, quand sa condamnation à mort par glioblastome a été connue, ces réseaux se sont mobilisés. Il a été inondé par une vague de solidarité. Vague qui s'est transformée en gestes concrets.

D'abord, un ami bien branché s'est mis en tête de trouver, aux États-Unis, un hôpital à la fine pointe du traitement des cancers du cerveau. L'ami en question a convaincu le Dr Fred G. Hochberg, au Massachusetts General Hospital, de prendre le Québécois dans un programme expérimental.

Ensuite, d'autres amis se sont cotisés pour payer le coût des traitements, les déplacements et les frais de séjour à Boston. Une facture énorme, évidemment.

«C'est là que je suis chanceux: des amis m'ont appuyé de toutes les façons.»

Le traitement expérimental semble avoir fonctionné. Le glioblastome incrusté dans le cerveau de Daniel Audet, bombardé d'un cocktail à l'Avastin et de radiothérapie, a fondu des deux tiers. Le tiers restant ne grossit pas. Ce qui explique ces 36 mois de survie.

Je vous entends d'ici... Je vous entends dire: «Lui, il est encore vivant parce qu'il a des amis riches.» C'est vrai, et ce n'est pas vrai. Les amis fortunés et bien branchés de Daniel Audet l'ont envoyé au bon hôpital américain au bon moment. Impossible de prétendre le contraire.

Mais le coup de chance ultime de Daniel Audet, c'est cette chance chimique qui fait souvent la différence entre la vie et la mort, pour les cancéreux: il a bien répondu aux poisons qu'on lui a injecté pour freiner sa maladie. Impossible, à cette loterie de la guérison, d'acheter le bon billet.