Les experts demandent au gouvernement du Québec de doubler les sommes consacrées à la prévention et à la recherche dans le domaine du VIH-sida s'il veut éviter une grave explosion des coûts de traitement.

À la veille de la 18e Conférence internationale sur le sida à Vienne, le docteur Mark Wainberg, infectiologue et co-directeur du Réseau Sida/maladies infectieuses et le docteur Réjean Thomas, président de la clinique l'Actuel ont dénoncé lundi à Montréal le sous-financement chronique de la recherche et de la prévention.

Les deux experts ont fait état d'une croissance constante du nombre de cas de VIH-sida au Québec et de l'explosion des coûts pour le traitement de cette maladie.

On estime qu'il y a 18 000 cas de VIH au Québec, dont 10 000 sont sous traitement, auxquels il faut ajouter de 400 à 700 nouveaux cas par année.

Actuellement, le coût annuel de la trithérapie offerte aux 10 000 patients s'élève à 150 millions $.

Cette somme est cependant en croissance exponentielle, avertit le docteur Thomas. «Nous avons fait faire une étude actuarielle. Nous allons vers les 500 millions $ et 1 milliard $ de trithérapie très rapidement. Les budgets n'auront plus de sens (...) La projection, c'est que d'ici 20 ou 25 ans, on parle de 2,5 milliards $.»

Il souligne au passage que 20 ou 25 ans, ce n'est pas si loin. «Mais les gouvernements sont élus pour quatre ans. C'est peut-être toujours ça le problème avec la santé publique et la prévention, c'est la difficulté d'avoir une vision à long terme.»

Pendant ce temps, le Québec ne consacre que 3,3 millions $ par année en prévention et 2,2 millions $ en recherche, des sommes qui n'ont pas été majorées depuis 1989.

«Ce sont vraiment des «peanuts» en budgets de prévention et on a quasiment l'air d'un pays pauvre avec l'investissement qu'on fait en prévention», déplore M. Thomas.

Il rappelle que l'effort de prévention est un éternel recommencement. «Il faut toujours répéter, répéter, répéter. Les jeunes qui ont aujourd'hui 18-25 ans n'ont pas connu l'épidémie du sida. Ils n'ont pas vu leurs amis mourir du sida. Pour eux, c'est une maladie virtuelle. Ils en entendent parler à la journée mondiale du sida, ils ont l'impression que c'est une maladie africaine, que ça se traite ou que ça se guérit.»

Il déplore vivement à cet effet la disparition des cours d'éducation sexuelle et demande avec insistance qu'ils soient rétablis au secondaire.

«Les pays qui réussissent, ce sont les pays où la prévention passe par l'éducation sexuelle, fait valoir le docteur Thomas. Il faut des vrais cours d'éducation sexuelle qui parlent des relations gars-fille, qui parle de dire non à la relation sexuelle quand tu n'en veux pas. Nous avons parmi les meilleurs sexologues au monde, ici, formés au Québec et il y en a plein qui n'ont pas d'emploi.»

Il balaie du revers de la main les puériles tentatives qui prennent la forme d'un seul cours durant l'année pour montrer des condoms et avertir du danger des maladies transmises sexuellement. «Ça ne marche pas avec les jeunes», lance-t-il dans une condamnation sans appel des lacunes du milieu de l'éducation en telle matière.

Le docteur Thomas s'interroge au passage sur les raisons du sous-financement, déplorant que le gouvernement agisse comme si les clientèles les plus à risque, les homosexuels et les toxicomanes, n'étaient pas importantes.

Les deux experts ont précisé que l'accroissement des cas de maladies transmises sexuellement n'était pas imputable qu'au sida, alors que l'on constate des augmentations alarmantes du nombre de cas de chlamydia (15 000 cas recensés au Québec en 2010), de gonorrhée (1650 nouveaux cas déclarés en 2008) et de syphilis (un nouveau cas par jour en moyenne).