Le directeur national de la santé publique, Alain Poirier, est récemment intervenu auprès de son patron, le ministre de la Santé Yves Bolduc, pour lui exposer les risques liés à la relance d'une mine d'amiante dans les Cantons-de-l'Est.

Alors que M. Bolduc cautionne la position gouvernementale à l'effet que l'amiante peut être utilisé de manière sécuritaire, M. Poirier lui a rappelé que l'Institut national de santé publique du Québec n'était pas de cet avis.

«La position du gouvernement depuis 2002 c'est cette notion que l'utilisation pourrait être sécuritaire, qui là non plus n'est pas partagée par beaucoup de gens, y compris notre Institut national de la santé publique qui l'a regardé de différentes façons», a-t-il dit, mardi, en marge d'une conférence de presse au sujet des mesures pour limiter les effets de la canicule qui sévit actuellement dans la province.

M. Poirier a souligné qu'il était très difficile d'utiliser de manière sécuritaire les produits contenant le minerai, au Québec tout comme dans les pays en développement.

Le directeur national de la santé publique a affirmé qu'il a pris cette initiative afin que M. Bolduc relaie l'information à son collègue Clément Gignac, ministre du Développement économique, qui étudie actuellement la possibilité de soutenir financièrement la relance de la mine Jeffrey, située à Asbestos, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Sherbrooke.

«Nous on espère que nos informations seront transmises parce que c'est une décision qui se prend au conseil des ministres ou en consultation avec les ministres», a-t-il dit.

La semaine dernière, des associations de médecins du Québec et du reste du pays ainsi que la Société canadienne du cancer (SCC) ont demandé au gouvernement de ne pas accorder une garantie de prêt de 58 millions de dollars requise pour redémarrer l'exploitation de la mine Jeffrey.

La SCC a soutenu que la reprise éventuelle des activités d'extraction et d'exportation à Asbestos contribuerait à propager l'épidémie de cancers causés par l'amiante, qui fait 90 000 morts chaque année à travers le monde.

Lors d'une mission économique en Inde l'hiver dernier, le premier ministre Jean Charest avait été pris à partie par des travailleurs réclamant la fin des exportations d'amiante du Québec dans leur pays, où les normes de sécurités sont très difficilement applicables.

Le mois dernier, M. Bolduc, qui est médecin, a été accusé d'enfreindre ses règles déontologiques en cautionnant la politique gouvernementale sur l'utilisation sécuritaire de l'amiante.

M. Poirier, lui aussi médecin, a affirmé mardi que la décision d'accorder une garantie de prêt à la mine Jeffrey revenait au gouvernement. Mais il a précisé que son intervention, dont il n'a pu préciser la date autrement qu'en affirmant que c'était avant les prises de position de la SCC et des associations de médecins, était directement reliée à ce projet.

Selon M. Poirier, les risques liés à l'utilisation de l'amiante, qui entre dans la fabrication de certains matériaux de construction et de pièces de voiture, sont plus marqués lors d'opération de démolition ou de recyclage.

«Ça pose beaucoup de difficultés, a-t-il dit. Je ne suis pas très au courant de la façon dont ça se fait dans d'autres pays comme l'Inde, où il y a eu des problèmes récemment. Mais si on a de la difficulté ici, dans une société développée, on peut penser qu'il y a des difficultés ailleurs.»

La semaine dernière, M. Gignac avait affirmé que tout soutien financier à la mine Jeffrey est conditionnel à la mise en place d'une vérification annuelle du respect des normes d'utilisation auprès de ses clients étrangers.