Les infirmières québécoises pourront bientôt aller exercer leur profession en France et leurs collègues françaises venir au Québec, mais dans la réalité, les mouvements devraient rester très limités, estiment les présidentes de leurs ordres respectifs, Ghyslaine Desrosiers et Dominique Le Boeuf.

Sous les lambris du Quai d'Orsay et le regard bienveillant du premier ministre Jean Charest et du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, Mmes Desrosiers et Le Boeuf ont signé mercredi l'Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) qui fait la promesse de la mobilité aux infirmières des deux territoires.

«C'est tout à fait exceptionnel, ça ne s'est jamais fait», a lancé, enthousiaste, le ministre Kouchner, en évoquant la possibilité d'élargir un jour l'entente de reconnaissance des qualifications à l'ensemble de l'Union européenne. «C'est une première mondiale. Ca n'existe pas ailleurs», a renchérit le premier ministre Charest.

«C'est surtout symbolique», ont affirmé pour leur part, d'une même voix, Mmes Desrosiers et Le Boeuf.

Apparemment, personne ne semble pas croire que l'ouverture du territoire québécois aux Françaises suffira à remédier à la pénurie d'infirmières au Québec. Personne ne s'attend non plus à un exode des infirmières québécoises vers la France.

Dans l'absolu, d'ailleurs, rien n'empêchait jusqu'ici les infirmières de tenter l'expérience, sans que cela provoque de grands mouvements de main-d'oeuvre. Entre 60 et 70 infirmières françaises s'installent au Québec chaque année, depuis 2005. En France, les Québécoises se compteraient «sur les doigts de la main» (alors qu'elles sont plus d'une centaine en Suisse).

Leurs consoeurs qui les imiteront dans l'avenir pourront franchir le pas plus facilement. Elles n'auront plus à passer d'examen d'admission, puisque leurs qualifications professionnelles sont désormais reconnues. Elles pourront pratiquer leur art après une formation de quelques semaines.

Cela n'est pas vrai pour tout le monde, cependant. Le nouvel ARM, en effet, ne touche pas toutes les infirmières québécoises, mais seulement un tiers d'entre elles, celles qui ont la formation universitaire répondant aux standards français et européens. Celles qui ont un diplôme d'études collégiales (DEC) ne sont pas couvertes par l'accord et si elles le sont un jour, ce sera vraisemblablement dans une autre catégorie, assistante ou auxiliaire de soin, par exemple, laisse entendre Mme Le Boeuf.

«On peut poser la question à l'inverse et se demander quand est-ce qu'on va avoir au Québec une formation qui répond aux normes européennes», renchérit Mme Desrosiers.

Mathématiquement, le Québec sort gagnant de l'affaire. Avec ses 440 000 infirmières, la France lui offre un immense bassin de recrutement, alors que seulement 20 000 Québécoises (sur 70 000) sont suffisamment qualifiées pour travailler dans les hôpitaux français.

Pour Dominique Le Boeuf, la présidente du Conseil national de l'ordre infirmier, cette mobilité contribuera surtout à accroître l'attractivité de la profession, en offrant la possibilité à de jeunes infirmières (elles ont 23 ans en moyenne en France) «de vivre une expérience dans un pays qu'on aime beaucoup».