La valeur des contrats de 10 ans signés entre les centres de santé et de services sociaux (CSSS) et les propriétaires de ressources intermédiaires du Québec oscille entre 12 et près de 30 millions de dollars. À Montréal, 17 promoteurs se partagent les 1152 contrats signés jusqu'à maintenant (voir tableau ci-contre).

Yves Lévesque, spécialiste des questions qui touchent les personnes âgées à la Confédération des syndicats nationaux, croit que les ressources intermédiaires sont rentables pour les promoteurs. «Si elles ne l'étaient pas, le privé n'en demanderait pas. Et un promoteur n'aurait pas plus d'une ressource intermédiaire!»

 

Paul Lefebvre est propriétaire du Pavillon Grenet, dans le nord de Montréal. La Presse a visité cette résidence, qui accueille 38 personnes et semble très appréciée. «Je suis bien ici. Je vais marcher chaque jour. On prend soin de moi», témoigne Claude Caron, qui y habite depuis un peu plus d'un an.

Le gouvernement verse à M. Lefebvre de 90 à 104$ par jour par résidant, selon l'autonomie de chacun. M. Lefebvre affirme ne pas perdre d'argent. «Mais on ne s'enrichit pas tant que ça. Un promoteur qui offre un bon service, qui n'économise pas sur la nourriture et qui fait attention à ses résidants ne peut pas s'enrichir tant que ça.»

Il estime que, pour être rentable, une maison doit avoir au moins 30 pensionnaires. «Mais je pense qu'il ne faut pas en avoir plus d'une quarantaine pour garder une approche «milieu de vie»», note-t-il.

Le directeur général du CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent, Daniel Corbeil, est du même avis: «Jamais vous ne verrez de grosses ressources intermédiaires de 200 lits sur mon territoire; il faut préserver l'approche humaine.»

Changement de normes

Au départ, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal signalait que les ressources intermédiaires devaient compter entre 25 et 40 lits. Mais cet engagement n'est plus respecté. Dans les prochaines années, des établissements de 58, de 78 et même de 90 lits ouvriront dans la métropole, selon les plans de l'Agence.

«Puisqu'il y a beaucoup d'exigences à respecter, pour rentabiliser l'entreprise, il faut du volume, mais il ne faut pas perdre de vue l'approche milieu de vie. Ce n'est pas parce que c'est grand qu'on perd nécessairement cette approche!» affirme la directrice générale de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, Martine Castonguay.

Lisette Lapointe, porte-parole du Parti québécois en la matière, dénonce le fait qu'on accepte de plus en plus de projets de grande envergure, contrairement à ce qu'on avait promis.

La porte-parole du ministère de la Santé, Nathalie Lévesque, assure quant à elle que les critères de l'approche «milieu de vie» sont respectés même quand un promoteur obtient plusieurs places.

«Mais comment peut-on s'assurer de ça? Oui, il y a des inspections dans les ressources intermédiaires, mais environ une fois par année. On ne peut pas s'assurer complètement de la qualité de ces milieux», croit M. Lévesque.

La chef d'administration du programme de ressources non institutionnelles du CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent, Francine Mercier, réplique que les employés des CSSS sont présents dans les ressources intermédiaires et que tout abus peut être rapidement signalé. «Et dès qu'une erreur majeure est constatée, on peut mettre fin au contrat», dit-elle.