Après les infirmières de l'hôpital Charles-LeMoyne, de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et de l'hôpital du Haut-Richelieu, c'était au tour de cinq de leurs collègues de l'hôpital Pierre-Boucher de Longueuil de refuser, hier, de rentrer au travail pour dénoncer leurs conditions de travail.

«On doit toujours rester la nuit pour combler le manque de personnel, mais là, ça suffit», a lancé Liliane Houle.

Ses collègues et elle n'ont pas fait leur quart de travail prévu hier de 16h à minuit. «Depuis plusieurs soirs, on est obligées de faire des heures supplémentaires la nuit, a-t-elle raconté. On nous l'impose, car, sinon, l'hôpital ne respecterait pas le minimum de personnel requis par le code déontologique. Par exemple, on a trois collègues en congé de maternité qui n'ont pas été remplacées. On est épuisées. Il y a des problèmes criants d'épuisement dans le personnel. Il faut que ça change.»

Le moyen de pression était seulement prévu pour une soirée, a indiqué Mme Houle.

D'autres infirmières pourraient bientôt les imiter, prévient Daniel Gilbert, vice-président de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). «Les infirmières sont épuisées, elles sont sur le bord de tomber au champ de bataille. On ne peut pas tenir longtemps comme ça.»

Samedi soir, à l'hôpital Charles-LeMoyne, six infirmières mécontentes ont également refusé de travailler. Un médiateur du service des soins essentiels est intervenu. «Il a garanti que l'employeur ne contraindrait aucune infirmière ou infirmière auxiliaire à rester au travail après le changement de quart, le soir à 23h30. Comme elles n'ont pas fait d'heures supplémentaires, le nombre de professionnels en fonction la nuit était sous les normes requises.»

Pénurie?

Y a-t-il pénurie d'infirmières? Non, prétend le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet. En entrevue hier avec La Presse Canadienne, il a soutenu que la pénurie était un mythe.

L'année dernière, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) comptait 70 587 membres, un record. Le problème, selon M. Brunet: les mauvaises conditions de travail du secteur public, qui pousseraient les infirmières à travailler dans le privé.

La FIQ croit également que les conditions posent problème, et que le personnel pourrait être mieux utilisé.

Elle demande qu'on applique la loi 90, qui confère de nouvelles tâches aux infirmières auxiliaires. «Seulement 40% des infirmières auxiliaires ont des postes à temps plein. Il faut utiliser toutes les ressources», insiste son vice-président, M. Gilbert.

Mais il répète que la pénurie existe bel et bien, et qu'elle persistera même si on applique la loi 90. «Il manque environ 4000 infirmières dans le réseau public, estime-t-il. Et de plus, il y en a 15 000 qui sont admissibles à la retraite. Il faut améliorer les conditions de travail pour convaincre le personnel plus âgé de garder son travail.»

Négociations intensives

Ces moyens de pression et débats surviennent alors que la convention collective des infirmières et de 400 000 autres employés du secteur public arrive à échéance le 31 mars.

Les infirmières demandent notamment la création de postes permanents, des horaires de 4 jours à 33h/semaine, ainsi que des augmentations salariales de 11,25% en 3 ans. Elles sont reçu l'appui des Fédérations des médecins spécialistes (FMSQ) et des omnipraticiens (FMOQ).

Le gouvernement estime que les demandes des infirmières s'élèvent à 410 millions (excluant les hausses salariales).

«Dans les derniers jours, la négociation n'a pas bougé», dit M. Gilbert. Québec propose d'entamer dès aujourd'hui un «blitz de négociations».