La crise qui touche les hôpitaux de la province a alimenté les débats au cours des derniers jours. Le vice-président de l'Association des médecins d'urgence du Québec, le Dr Bernard Mathieu, brosse un tableau de la situation.

Q Depuis deux semaines, la crise dans les urgences fait les manchettes. La situation s'est-elle rétablie?

R Depuis que le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a libéré des lits pour sortir les patients chroniques de l'hôpital, ici, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, on a eu une grosse amélioration. On est passé de 140% de taux d'occupation à environ 100%. Ailleurs, je ne sais pas.

Q Croyez-vous que cette situation perdurera?

R Ça dépend... Si on ne fait rien de plus, on va retomber dans la crise sous peu. C'est bien d'ouvrir des lits. Mais essayons de ne pas être toujours en retard sur ce qui se passe en ouvrant à l'avance plus de lits de convalescence.

Q On entend depuis le début de la semaine que les solutions au problème des urgences sont connues. Pourquoi ne les met-on pas en application?

R Il y a des restrictions budgétaires. En santé, le leitmotiv, c'est: «Le moins cher possible.»

Q À son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Jean Charest avait promis de régler la crise des urgences. Qu'en est-il?

R Je ne pense pas que ce soit mieux. Certaines choses s'améliorent. Mais on est toujours en retard par rapport aux problèmes. Le vieillissement de la population a fait un gros boom, et il y a les infections nosocomiales. Il y a toujours de nouveaux problèmes qui secouent le réseau. Il faut prévenir les coups.

Q La pénurie de personnel infirmier entraîne la fermeture de plusieurs lits dans les hôpitaux, ce qui contribue à surcharger les urgences. Que fait-on pour freiner les départs à la retraite et retenir le personnel?

R Je pense qu'il y a plus de programmes de préparation à la retraite pour les infirmières que de programmes pour retarder la retraite... S'il y avait plus de mesures pour les inciter à rester, comme des heures allégées, ça aiderait les infirmières à retarder leur départ. Certaines partent à 55 ans... Il leur reste plusieurs années à vivre! Il faudrait les inciter à rester au travail.

Q Certains de vos collègues mentionnent que les urgences sont actuellement les «dépotoirs» des hôpitaux puisqu'il s'agit du seul service qui ne peut refuser de patients. Comment régler ce problème?

R Aux étages, on ferme des lits quand on manque de monde. On ferme des ailes s'il y a des maladies infectieuses. Pas aux urgences. Il y a une médecine à deux vitesses. Ce qui n'est pas acceptable aux étages l'est aux urgences. Il faut de bons plans de débordement pour répartir la misère dans les hôpitaux avec équité.

Q Pourquoi la situation dans les urgences semble-t-elle toujours pire à Montréal?

R En gros, parce que la population est plus nombreuse, que les indices socioéconomiques sont plus faibles et que la population est plus âgée.

Q Si le réseau de la santé était un patient, comment qualifieriez-vous son état?

R Il ne va pas bien! Il a plein de maladies chroniques, des plaies qui ne guérissent pas et il a du mal à avoir des soins...