Les récents déboires de Toyota ne semblent pas inciter les hôpitaux canadiens qui s'inspirent des méthodes de gestion du fabricant automobile japonais à y mettre un frein.

Le ministre de la Santé du Québec, Yves Bolduc en avait surpris plus d'un à de son entrée en poste à l'été de 2008 lorsqu'il a fait part de son admiration pour les façons de faire de Toyota mais aussi de son intention de les appliquer à certains éléments du système de santé.

La province n'a pas été la seule à adopter la «méthode Toyota». En plus d'hôpitaux américains et britanniques, nombreux sont ceux du Nouveau-Brunswick, du Québec de l'Ontario à avoir décidé de donner priorité aux patients et d'éliminer les délais et étapes inutiles.

Même si certains établissements hospitaliers reconnaissent que le rappel de 8,5 millions de véhicules laisse à réfléchir, ils croient néanmoins qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Le président et chef de direction de l'Hôpital général de Sainte-Boniface à Winnipeg, le docteur Michel Tetreault, reconnaît qu'il y a une leçon à tirer des problèmes de Toyota. «Nous essayons de déterminer ce qui n'a pas fonctionné», a-t-il dit.

La méthode Toyota a été entre autres utilisée pour régler les problèmes de congestion des urgences. Des études auraient d'ailleurs démontré que le délai d'attente pour les inscriptions à l'hôpital a pu être considérablement réduit. Par exemple, M. Tétreault affirme que dans son hôpital, l'attente pour un électrocardiogramme a diminué de moitié.

Selon l'avis de divers établissements hospitaliers et experts, Toyota semble plutôt avoir arrêté de se soucier de construire les meilleurs véhicules possibles, ayant plutôt comme objectif de devenir le plus grand manufacturier d'automobiles au monde.

Le professeur des Hautes études commerciales (HEC) à Montréal spécialisé dans la gestion hospitalière, Sylvain Landry, estime d'ailleurs que Toyota a commencé à tourner les coins ronds et à se distancer de ses propres principes de gestion.

«Ils n'ont pas fourni suffisamment de formation à leurs employés et ont multiplié leur nombre d'usines à travers le monde trop rapidement, ce qui a mis beaucoup de pression», a fait observer M. Landry.

Selon lui, le danger est que les hôpitaux rejettent la «méthode Toyota» sans avoir donné une chance qu'elle soit proprement mise en place. «C'est un processus d'apprentissage institutionnel de longue haleine et je crois que les mésaventures de Toyota nous le rappellent.»

Au Québec, Yves Bolduc et son équipe sont sous les feu de la rampe au sujet des longs délais d'attente dans les salles d'urgence montréalaises.

Mais c'est justement ce genre d'hôpitaux qui peut bénéficier de la façon de faire du fabricant automobile japonais en améliorant la manière dont les salles d'urgences interagissent avec les autres unités, croit Sylvain Landry.

Selon lui, la beauté de la méthode réside dans le fait que l'on refuse de blâmer une seule personne lorsqu'une erreur est commise. Il cite en exemple cet hôpital ontarien où des mastectomies ont été pratiquées par erreur sur des patientes. Dans ce cas, dit-il, l'on peut regarder le système et ses processus et se demander si des mesures de protection ont été mises en place pour ne pas que cela se produise.

Ainsi, alors que les hôpitaux prennent le virage Toyota à pleine vitesse, certains dirigeants de l'entreprise doivent se demander pourquoi ils n'ont pas suivi leurs propres recommandations.