Pour régler la crise qui touche actuellement les services d'urgence des hôpitaux de la métropole, l'Agence de la santé et des services sociaux (ASSS) de Montréal a demandé aux hôpitaux «d'utiliser tous les lits disponibles», y compris ceux des services de chirurgie. Des interventions électives sont donc actuellement reportées, faute de lits.

Jean-Guy Pitre, 65 ans, doit être opéré au coeur depuis le mois de septembre à l'Hôtel-Dieu du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). «La valve de l'aorte au coeur est bloquée, raconte sa fille, Michèle Pitre. L'état de santé de mon père se dégrade. Il ne peut plus rien faire. Il s'essouffle en parlant.»

 

Habitant de Venise-en-Québec, M. Pitre a pourtant toujours été en pleine forme. Jusqu'à tout récemment, il jouait au golf et faisait de longues promenades quotidiennes. «Il passe aujourd'hui ses journées dans un fauteuil. Il lui faut une opération», tranche sa fille.

Date repoussée

Selon Mme Pitre, son père est depuis plusieurs jours «en haut de la liste d'attente» des interventions à l'Hôtel-Dieu. Mais la date de l'opération est sans cesse repoussée. «On nous dit qu'on manque de lits, qu'on manque de personnel et qu'il faut donc reporter l'opération, dit Mme Pitre. Ça m'arrache le coeur de voir mon père s'éteindre à vue d'oeil parce qu'on manque de lits.»

La semaine dernière, La Presse a rapporté que l'affluence aux urgences de la métropole atteint des sommets depuis quelques semaines. Du jamais vu selon certains chefs des urgences.

La porte-parole de l'ASSS, Geneviève Bettez, explique que, afin d'améliorer la situation, l'Agence a demandé «une gestion optimale des lits». «On demande aux hôpitaux de Montréal d'utiliser tous les lits disponibles, y compris ceux de chirurgie», résume-t-elle.

Neurochirurgien au CHUM, le Dr Alain Bouthillier déplore que des interventions soient actuellement annulées pour libérer des places aux urgences, car le temps d'opération des neurochirurgiens est déjà limité. «On n'a qu'une journée par semaine de temps d'opération. On n'offre pas des services optimaux», dit-il.

Conséquences majeures

Un hôpital est un écosystème complexe où chaque service est en partie dépendant des autres. La porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne, explique que l'affluence aux urgences a donc des conséquences majeures sur l'ensemble de l'établissement. «Il y a toujours un fragile équilibre entre les lits de chirurgie et les lits aux urgences. Quand les urgences débordent, il faut y consacrer un peu plus de lits, tout en respectant le plus possible l'équilibre», dit-elle.

Selon Mme Dufresne, les retards dans les opérations cardiaques au CHUM ne sont toutefois pas totalement attribuables au débordement des urgences. «C'est plutôt les lits de soins intensifs qui sont pleins», explique-t-elle.

Mais pour Michèle Pitre, la seule solution pour que son père obtienne enfin une intervention cardiaque serait de l'envoyer en ambulance à l'Hôtel-Dieu.

«Il serait traité comme un cas urgent et pourrait être opéré. Je ne le fais pas parce que mon père ne veut pas attendre des jours dans un corridor. C'est déplorable qu'il y ait une crise aux urgences et qu'on encourage les gens à y aller en attendant trop longtemps avant de les opérer», remarque-t-elle.