Après le cri d'alarme lancé par les médecins urgentologues du Québec sur la détérioration des services aux urgences, plusieurs intervenants du monde médical ont à leur tour avoué leurs inquiétudes, hier, et ont dénoncé l'immobilisme du ministre de la Santé, Yves Bolduc.

«Quand M. Bolduc est arrivé en poste, il a dit qu'il allait régler le problème aux urgences. Depuis qu'il est là, la situation se détériore. Les gens ont besoin d'être rassurés et ont besoin de savoir que le ministre tente de corriger le problème», a déclaré le porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Bernard Drainville.

 

La Presse a révélé hier que des patients meurent actuellement faute de soins adéquats aux urgences. «La situation se détériore. Le nombre de patients qui séjournent plus de 48 heures aux urgences est passé de 40 000 à 50 000 au Québec pour la dernière période (décembre). On est inquiets», dit la directrice générale de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), Lise Denis.

Le président de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, David Levine, reconnaît que les urgences sont actuellement très chargées dans la métropole. Il dit qu'il est «conscient de la pression vécue par les employés».

Selon lui, la crise actuelle est en partie due à l'épidémie anticipée de grippe A (H1N1). «On a sorti beaucoup de gens des hôpitaux en prévision de la pandémie. On a rempli à pleine capacité nos lits de longue durée. Maintenant, on a de la misère à sortir nos patients», explique-t-il.

Les interventions électives, qui avaient été suspendues à l'automne, ont aussi repris. «Et il y a actuellement une épidémie de gastroentérite qui complique les choses», dit-il.

M. Levine assure que l'Agence ne se tourne pas les pouces: «Tous les jours, des choses sont faites pour aider à vivre le mieux possible cette situation. Mais la vraie solution passe par le développement des soins de première ligne. C'est en cours.» Selon lui, il devrait s'écouler encore cinq ans avant que des «améliorations sérieuses» ne soient visibles.

«Ça fait des années qu'on est en réforme et qu'on nous dit qu'on va désengorger les urgences» mais que rien ne bouge, proteste Bernard Drainville. Le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Gérard Deltell, est du même avis: «Le gouvernement s'est engagé depuis 2003 à régler le problème des urgences. Mais c'est pire sous son administration.»

Mme Denis dénonce elle aussi l'inaction du gouvernement: «L'an passé, il n'y a pas eu un sou pour les soins à domicile. Le ministre Bolduc a visité 11 services des urgences et a dit avoir trouvé des solutions. Mais il n'y a aucun plan d'action. Les gens sont un peu laissés à eux-mêmes.»

La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Régine Laurent, dresse le même constat: «Les solutions, on les connaît. Mais on ne les applique pas. Le milieu lance aujourd'hui un cri du coeur. On demande que le gouvernement ait le courage politique de mettre ces solutions en application.»

Au bureau du ministre de la Santé, on affirme que M. Bolduc juge la situation «préoccupante». «Il y a plusieurs projets sur la table pour corriger la situation, a dit son attachée de presse. Le projet de rénovation du service des urgences de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont sera annoncé dans quelques semaines. On développe la première ligne...» Le ministre n'était «pas disponible», hier, pour donner des entrevues.

Selon Mme Denis, le temps presse: «Avec le vieillissement de la population, la situation va s'aggraver. Ça prend des solutions. Pas juste des plasters à droite et à gauche!»