Les Québécois sont attachés à leur médecin, si bien qu'ils préfèrent attendre des mois, voire un an ou deux, plutôt que de se faire opérer par un autre spécialiste ou dans un autre hôpital. Malgré cela, les délais en chirurgie continuent de s'améliorer. C'est ce que révèlent les dernières données du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Au cours d'une entrevue accordée à La Presse et au Devoir cette semaine, le ministre Yves Bolduc a expliqué que, bien que plusieurs patients refusent de se faire opérer par un autre chirurgien que le leur, 93% des 240 107 patients opérés depuis le 1er avril dernier l'ont été dans les six mois, et 80% n'ont attendu que trois mois. Ces données tranchent avec celles d'avant 2007, où le temps d'attente était souvent de deux ou trois ans.

Au total, des 2267 patients à qui l'on a proposé de se faire opérer plus tôt par un autre spécialiste que le leur, 1475 ont refusé, soit 65%. Ces patients sont particulièrement nombreux dans les hôpitaux St. Mary et Jean-Talon de Montréal. À St. Mary, où il se pratique un grand nombre d'interventions cardiaques et thoraciques, 161 patients ont refusé une offre avec un autre chirurgien ou dans un autre établissement. À Jean-Talon, où l'on pratique beaucoup d'opérations du genou et de la hanche, 136 patients ont refusé la même offre.

Offre au privé

Ailleurs dans la grande région métropolitaine, la plus grande concentration est enregistrée à l'hôpital Saint-Jérôme, avec un total 249 refus. Ce nombre s'explique en partie par l'entente qu'a dû conclure l'établissement avec l'Institut de l'oeil des Laurentides (un établissement privé) pour les opérations de la cataracte.

D'autres hôpitaux, notamment Sacré-Coeur, qui n'enregistre pour l'instant que deux refus, doivent faire affaire avec le privé.

Selon le ministre de la Santé, ces données indiquent clairement que les patients «veulent» leur médecin jugent qu'ils peuvent vivre avec leur état. Yves Bolduc précise que les gens «ne peuvent pas se plaindre» parce que, avec le nouveau mécanisme pour garantir les opérations de la hanche, du genou ou de la cataracte, ils ont le choix.

«Ce qui est important, c'est d'offrir le service aux patients, c'est-à-dire la deuxième offre, estime Yves Bolduc. Comme médecin de famille, je ne suis pas étonné du nombre de refus. Les patients ont une solution de rechange. Alors ce que je remarque, c'est que les gens ont confiance en leur médecin, que plusieurs ont une bonne réputation et que les patients préfèrent attendre un an pour les avoir.»

De longues listes

Des 1500 à 2000 chirurgiens qui pratiquent au Québec, le ministre estime que seulement 30 ou 40, parfois victimes de leur popularité, ont des «listes trop longues» pour suffire à la demande. Sans être en mesure de les nommer, le ministre indique que, en général, ces médecins font preuve de bonne volonté pour la deuxième offre.

«Les listes ne sont pas nécessairement cachées dans le fond de la poche de leur sarrau, précise-t-il. Et le refus de la deuxième offre démontre par ailleurs que le réseau public de la santé a la capacité de faire toutes les interventions.»

Pour l'instant, la gestion de la deuxième offre avec un autre spécialiste, dans un autre hôpital ou dans un établissement privé n'est pas inscrite dans la loi 33, qui impose depuis 2007 un délai de six mois et moins pour les opérations de la hanche, du genou et de la cataracte.

Le ministre Bolduc n'est pas prêt à s'engager en ce sens, et il précise que les données en temps réel ne sont disponibles que depuis ce mois-ci.

Grâce à un nouveau système informatisé sur les mécanismes d'accès aux services spécialisés (SIMASS), le gouvernement peut en effet savoir dans un délai de 12 heures qui s'est fait opérer, où et par qui. Sans vouloir «jouer à la police», le ministre admet qu'il faut implanter le réflexe de la deuxième offre dans les hôpitaux. Il estime que le réseau peut même espérer parvenir à opérer jusqu'à 95% des patients en six mois et moins.

À cela, il faut ajouter les 400 millions de dollars qui ont été investis depuis trois ans, dans l'équipement, les instruments et les infrastructures. Le ministre Bolduc fait aussi remarquer que l'une de ses priorités, à savoir la méthode Toyota (révision de l'organisation du travail), porte ses fruits dans certains hôpitaux, notamment à Pierre-Boucher, où on note une augmentation de 20 à 25% des opérations.