La clé pour réduire la propagation du VIH et des autres infections transmissibles sexuellement (ITS) est la prévention. Et le gouvernement n'y consacre pas suffisamment d'argent.

«Le montant alloué annuellement à la prévention du VIH est presque le même depuis 20 ans», dénonce le Dr Réjean Thomas, de la clinique médicale l'Actuel.

 

Pour 2009-2010, Québec a versé 27 millions dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le VIH et les ITS, soit le dépistage, la prévention et le financement d'organismes voués à la lutte contre le VIH et le sida.

Mais ce n'est pas suffisant, estime le Dr Thomas, qui compare cet investissement aux dépenses liées à la trithérapie.

Chaque année, il en coûte de cinq à six fois plus cher, soit entre 150 et 190 millions - selon les chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux - pour traiter les personnes atteintes de VIH.

La trithérapie est arrivée comme une bouffée d'espoir pour les personnes séropositives. Le sida n'est d'ailleurs plus considéré comme une maladie mortelle, mais plutôt chronique.

Mais avec la médication, certains semblent avoir baissé la garde, comme si le danger n'existait plus. «Toutes les infections transmissibles sexuellement avaient diminué dans les années 90. Depuis l'arrivée de la trithérapie, on voit une explosion des ITS et du VIH», relate le Dr Thomas.

Parmi les ITS en hausse, on constate une explosion des cas de syphilis, une maladie qui avait presque disparu. En 1998, on ne rapportait que trois cas dans la province alors que depuis trois ans, ce sont plutôt de 400 à 500 cas qui sont déclarés annuellement.

Les responsables de la santé publique déplorent également de plus en plus de cas de gonorrhée chez les jeunes filles de 15 à 24 ans alors que cette maladie était plutôt observée dans la communauté gaie.

Le Québec fait-il assez de prévention? «Oui, c'est vrai qu'on pourrait en faire plus. Mais surtout, des efforts doivent être fournis pour faire mieux et toucher plus de gens», croit le Dr André Dontigny, de la direction générale de la Santé publique au ministère.

Selon les estimations, 70% de la population a une pratique sécuritaire en matière de relations sexuelles. Il faut rejoindre les autres, explique le Dr Dontigny.

«La situation n'est pas suffisamment maîtrisée», dit-il. Si des maladies comme le VIH ou, dans une autre mesure, la gonorrhée ou la chlamydia, ne sont pas éradiquées, elles continuent de se répandre. «Ces maladies se propagent. À partir du moment où il y a des cas, on va nécessairement en avoir plus», ajoute le Dr Dontigny.

Sur le terrain, les organismes communautaires constatent chaque jour le travail qui reste à faire, principalement en ce qui a trait à la communauté gaie. Beaucoup de préjugés et d'homophobie sociale persistent, ce qui entraîne l'isolement et une certaine détresse chez les personnes vivant avec le VIH.

À tel point que l'organisme Séro Zéro, nouvellement rebaptisé Rezo, a choisi d'élargir son mandat. «On sentait un besoin particulier. On notait beaucoup d'anxiété et de stress en lien avec le VIH et les ITS», souligne Robert Rousseau, directeur général de Rezo.

L'organisme a commandé un sondage en 2008 auprès de 225 hommes gais ou bisexuels. L'enquête a révélé que la moitié d'entre eux vivait un niveau de stress et d'anxiété élevé. Le tiers était aux prises avec un problème d'image corporelle.

Il ne s'agit plus seulement de lutter contre le VIH et le sida. Il faut aborder la question dans un contexte de santé globale, en tenant compte de l'aspect de la santé mentale, indique M. Rousseau.

 

SITUATION AU QUÉBEC

> 10 500 Québécois sous trithérapie (de 1997 à 2005)

> 1200 à 1500$: coût mensuel de la trithérapie par patient

> Environ 18 000 Québécois vivraient avec le VIH

> De 300 à 400 nouveaux cas déclarés de VIH chaque année. Dans les faits, il pourrait y en avoir plus de 1000 annuellement selon les estimations.

* Source : Ministère de la Santé et des Services sociaux