Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, recule et se range derrière l'avis du Collège des médecins. Les avortements ne seront pas soumis aux normes strictes prévues dans la loi 34.

Après des jours de tergiversations, le ministre a tranché cet après-midi. «Moi, j'écoute les recommandations de l'organisme responsable de la qualité au niveau de l'acte médical, a déclaré M. Bolduc dans un point de presse. Suite à une demande que je lui ai faite, il m'a répondu qu'il serait préférable de retirer l'IVG (interruption volontaire de grossesse) de la liste des chirurgies du projet de loi 34.»

«Selon le Collège des médecins, les normes en demandaient plus que nécessaire», a-t-il reconnu.

À la demande du ministre Bolduc, le Collège des médecins avait réévalué la teneur des normes qui visaient à encadrer une cinquantaine de procédures faites en cliniques privées.

Les interventions liées aux avortements, principalement celles qui surviennent à moins de 20 semaines de grossesse, n'ont pas besoin d'être réalisées dans des blocs opératoires, estime le Collège. Une salle dédiée aux interventions suffit.

Lors d'un point de presse tenu dans les bureaux du Collège, à Montréal, son président-directeur général, Yves Lamontagne, a en outre tenu à dissiper les inquiétudes de la population à l'égard des avortements pratiqués en milieu extrahospitalier, faisant valoir qu'aucune statistique n'indique que la santé et la sécurité des femmes avaient été menacées durant des telles interventions.

Le PDG du Collège a également recommandé au ministre Bolduc de venir en aide aux cliniques qui auraient besoin de certaines modifications.

D'autres modifications à venir?

Yves Lamontagne a de plus estimé qu'il est «fort probable» qu'on demande au Collège de nouveaux avis au sujet d'autres types d'interventions, toujours en lien avec la loi 34.

«Peut-être qu'il va y avoir des questions qui vont se poser, à savoir: 'est-ce qu'on enlève autre chose', 'est-ce qu'on ajoute autre chose', 'comment on va le faire'.»

Il a laissé entendre qu'il y aurait lieu de peaufiner la nouvelle loi, quitte à retarder son application.

Yves Lamontagne a par ailleurs déploré le dérapage des derniers jours, qui a mené à une véritable crise au cours de laquelle les intentions réelles du gouvernement à l'égard des avortements ont été questionnées.

«Je trouve juste que ç'a fait une tempête dans un verre d'eau et que, peut-être, si on s'était parlé plus régulièrement, ç'aurait évité cette campagne médiatique de «qui a fait quoi', de «qui a dit quoi', a-t-il déclaré. Je vais vous avouer que, personnellement, je m'en fous de ça.»

Il a cependant refusé de blâmer qui que ce soit en particulier, se contentant de trouver malheureuses certaines déclarations faites dans les médias par des gens du ministère de la Santé.

«Jamais je ne ferai de commentaires sur des personnes, a laissé tomber le médecin. Je suis le genre qui déteste la médisance et la calomnie.»

L'opposition rempile

Les principaux partis d'opposition ont malgré tout continué mardi de s'en prendre au ministre Bolduc.

Le porte-parole de l'Action démocratique en matière de santé, Eric Caire, a réclamé son congédiement pour la énième fois.

«Yves Bolduc est une véritable catastrophe naturelle. On ne sait ni quand ni où il va frapper, mais on sait qu'il va frapper, et on sait que ça va causer beaucoup de fracas», a déclaré M. Caire dans un communiqué.

Au Parti québécois, Bernard Drainville n'est pas allé jusqu'à souhaiter le départ du ministre, bien qu'il ait reconnu en entrevue que «la question quant à ses capacités se pose». Mais il lui a demandé de «cesser de se mettre les pieds dans les plats».

Tout en se disant en accord avec les recommandations du Collège, le porte-parole de l'opposition officielle a estimé que M. Bolduc n'aurait pas dû en avoir besoin.

«On a pris un grand détour pour arriver essentiellement à la solution qui était évidente pour tout le monde sauf pour le ministre Bolduc», a affirmé M. Drainville.

M. Bolduc ne s'est attardé très longuement à ces critiques.

«Pour moi, ce n'est pas une question d'ego, a-t-il dit. Pour moi, le plus important, c'est d'être souple et de prendre les bonnes décisions.»

Avec La Presse Canadienne