En quelques jours à peine, trois hommes d'une petite ville agricole de Chine sont morts foudroyés par la peste pulmonaire. Loin d'être disparue, la maladie est même en résurgence dans certains pays.

Ce qui se passe en Chine n'a rien de surprenant, note Élisabeth Carniel, qui dirige l'unité de recherche sur les bactéries Yersinia de l'Institut Pasteur, à Paris. «On voit la peste qui est là, mais qui émerge aussi dans des pays où elle avait disparu depuis des décennies», dit-elle en entrevue.

 

L'Institut Pasteur suit la propagation de la maladie avec attention. Des cas de peste ont été signalés en Libye au mois de juillet. En 2004 et en 2006, la maladie a fait de nombreuses victimes en République démocratique du Congo. Après des années de latence, elle a aussi réapparu en Algérie en 2003 dans la région d'Oran, la ville même qui a servi de cadre à Albert Camus pour son célèbre roman La Peste.

L'une des hypothèses pour expliquer la résurgence de la maladie est sans doute le relâchement de la surveillance au fil des ans, croit Mme Carniel.

Les rongeurs sont les plus grands propagateurs de la peste. Il suffit d'être piqué par une puce infectée pour attraper la forme bubonique de la maladie.

La peste pulmonaire est moins répandue, mais beaucoup plus virulente. C'est celle-là qui vient de tuer trois Chinois dans la province de Quinghai, dans le nord-ouest du pays.

Un gardien de troupeau de 32 ans est mort. Puis son voisin, le lendemain. Et un troisième homme mardi. La ville est maintenant en quarantaine et une dizaine de personnes sont traitées par antibiotiques à l'hôpital.

La progression de la peste pulmonaire est fulgurante, indique Mme Carniel. Le malade qui n'est pas soigné meurt en moins de trois jours. «Nous n'avons pas le temps de diagnostiquer les premiers cas que les gens meurent. Par la suite, si on arrive à traiter la maladie tôt, les gens survivent.»

Les autorités chinoises connaissent bien la peste et devraient réussir à en limiter la propagation, estime celle qui est aussi directrice du Centre national de référence de la peste en France.

D'ailleurs, elle est loin l'époque de la peste noire, qui a fait 25 millions de morts en moins de cinq ans au XIVe siècle. Mais plus de 40 000 cas de peste ont tout de même été signalés à l'Organisation mondiale de la santé depuis 15 ans.

Les principaux foyers d'infection se trouvent en Afrique, notamment à Madagascar, en République démocratique du Congo et en Tanzanie. La Chine, le Vietnam et la Mongolie sont aussi considérés comme à risque.

Les pays riches ne sont pas épargnés. La côte ouest des États-Unis est un foyer d'infection. C'est probablement dû à la dernière pandémie de peste, qui a commencé à Hong Kong en 1894 et qui s'est ensuite propagée avec la navigation.

Encore aujourd'hui, une dizaine de cas de peste sont signalés chaque année aux États-Unis. Au Canada, où la peste est une maladie à déclaration obligatoire, les derniers cas remontent à 1924.

Faut-il craindre que le foyer d'infection en Chine ne voyage jusqu'ici? «C'est peu probable», estime le Dr Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

«La maladie semble confinée à une région de Chine qui n'est généralement pas une zone de tourisme intense», explique-t-il.

 

LES TROIS FORMES DE PESTE

Peste bubonique: c'est la plus courante. Les rongeurs la transmettent aux humains par des puces infectées. Elle se caractérise par la multiplication de ganglions enflés.

> Peste septicémique: l'infection bubonique finit par se propager au sang.

> Peste pulmonaire : la forme la plus virulente, mais la moins fréquente. Elle survient à un stade avancé de la peste bubonique. Elle se transmet directement d'humain à humain par des gouttelettes en suspension.