La réforme qui a cours depuis le printemps dans le milieu de l'hébergement pour aînés à Montréal a des conséquences fâcheuses. Des patients âgés ayant des troubles psychiatriques ont récemment été transférés dans des centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) conventionnels, où ils ont attaqué sauvagement des membres du personnel. Chaises lancées par la tête, étranglements, coups... Les gestes faits par ces patients ont choqué les employés, qui disent manquer de formation pour accueillir une clientèle aussi lourde.

Depuis le printemps, l'Agence de la santé et des services sociaux (ASSS) de Montréal a commencé à fermer les 792 lits de longue durée des hôpitaux montréalais. Les patients qui occupent ces lits sont progressivement transférés dans des «lits d'évaluation», dans des CHSLD.

Récemment, 120 lits de longue durée du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) ont ainsi été fermés. Les patients ont été redirigés vers des centres d'hébergement du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance.

Le CHSLD Émilie-Gamelin a accueilli une dizaine de ces patients, qui présentaient également de graves problèmes de santé mentale. «En temps normal, ces patients auraient dû se retrouver dans des unités spécifiques, avec des gens formés pour les accueillir. Mais avec la fermeture des lits de longue durée dans les hôpitaux, on se dépêche à sortir les patients et on les dirige tous vers les CHSLD, sans tenir compte de leur profil», dénonce le vice-président régional pour la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN), Jean-Philippe Grad.

Incidents violents

L'intégration des nouveaux résidants ne s'est pas faite sans heurts au CHSLD Émilie-Gamelin. Le soir même de son arrivée, un patient a pris à la gorge une employée qui refusait de lui donner une cigarette.

La directrice générale adjointe des services en hébergement du CSSS Jeanne-Mance, Lise Guimond, confirme que cet incident s'est produit. «Depuis, un éducateur et un chef de section ont donné de la formation au groupe d'employés qui doit gérer ces patients, assure-t-elle. Ces patients resteront au CHSLD Émilie-Gamelin jusqu'en octobre. Il seront alors transférés dans des ressources spécifiques dans l'Ouest-de-l'Île qui ne sont pas encore prêtes.»

M. Grad rapporte que le soir du 21 juin, un autre incident violent s'est produit dans un autre établissement : le CHSLD du Manoir de l'âge d'or, qui a lui aussi accueilli des patients expulsés du CHUM.

Ce soir-là, une employée a trouvé un résidant qui dormait à même le sol d'une aire commune. Quand elle lui a demandé de regagner sa chambre, l'homme s'est fâché et s'est mis à lui lancer des chaises et à courir derrière elle. L'employée a dû se barricader.

Ces deux incidents ont abouti à deux plaintes à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Pour M. Grad, ces situations n'auraient pas dû se produire. «Les CHSLD ne peuvent pas répondre aux besoins très lourds de ces patients pour le moment. Ils ne sont pas outillés», dit-il.

Jeudi, l'ASSS-Montréal a refusé d'accorder une entrevue à La Presse. «On se rend compte que les changements dans l'hébergement des personnes âgées demandent beaucoup d'explications. On va tenir une séance d'information exhaustive là-dessus d'ici quelques semaines. Mais entre-temps, on va refuser toute entrevue à ce sujet», a déclaré la porte-parole de l'Agence, Chantale Huot.

M. Grad estime pour sa part qu'il est urgent de corriger la situation. Selon lui, d'autres incidents pourraient se produire dans des CHSLD de la métropole. Car en plus du CHUM, plusieurs autres lits de longue durée sont en train d'être fermés à Montréal.