Les Amérindiens et les Inuits du Canada, déjà frappés durement par la grippe porcine, craignent que le virus A(H1N1) ne mute et devienne plus mortel à l'automne.

Décimés par la grippe espagnole en 1918, les quelque 1,2 million d'autochtones du Canada ont été affectés de manière disproportionnée par la grippe porcine, malgré l'isolement de leurs communautés dans les forêts du centre du Canada ou les étendues arctiques du Grand Nord. Plus de 10 000 personnes ont été infectées par le virus au Canada et 55 en sont mortes, y compris des autochtones, selon l'Agence de santé publique du Canada, qui n'a pas diffusé de chiffres précis sur le nombre d'infections parmi les Amérindiens et les Inuits.

Mais le magazine MacLean's affirme que le taux de contamination est de 130 pour 100.000 chez les Amérindiens du Manitoba (centre) et de 1 070 pour 100 000 au Nunavut (territoire arctique peuplé quasi-uniquement d'Inuits) contre seulement 24 pour 100 000 en moyenne au Canada.

«Nous n'avons pas clairement établi à ce stade dans quelle mesure cela est lié à des problèmes (médicaux) préexistants comme l'obésité, le tabagisme, le diabète, les maladies pulmonaires chroniques», a dit à l'AFP le Dr David Butler-Jones, chef de la santé publique du Canada. En raison des similitudes avec la grippe espagnole, le Dr Butler-Jones se demande «si une prédisposition génétique» entre aussi en jeu.

Lors de la grippe espagnole de 1918 et 1919, 183 personnes étaient mortes en six semaines dans le village amérindien isolé de Norway House, au Manitoba (centre), soit 20% de la population.

Ce scénario rappelle celui de St Theresa Point, réserve amérindienne de quelque 3.200 personnes située dans la même région.

Début juin, les autorités y ont dépêché d'urgence des médecins et des infirmières. En tout, plus de 500 personnes ont présenté des symptômes associés à la grippe porcine.

«L'hypothèse privilégiée est que cette pandémie va suivre le modèle de celle de 1918», estime Ethan Rubinstein, de l'université du Manitoba, notant qu'avec les progrès de la médecine le taux de décès ne devrait pas être aussi fort.

Face à cette situation, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les leaders amérindiens ont tiré la sonnette d'alarme.

L'Assemblée des Premières nations (APN, principale association des autochtones du Canada) a critiqué l'intervention d'Ottawa, jugée lente et inadaptée à leur «réalité sociale».

«Se faire dire d'éviter les contacts avec les autres quand on vit dans une maison surpeuplée ou se faire dire de se laver fréquemment les mains quand on n'a pas l'eau courante» est un exemple de ce décalage pour Angus Toulouse, responsable des questions de santé à l'APN.

«Les gouvernements canadiens successifs n'ont pas voulu attirer l'attention sur l'état de santé des Inuits et des Aborigènes. On voit le résultat aujourd'hui avec le virus A(H1N1)», dit le chef de la santé publique du Nunavut, Isaac Sobol, cité dans un article de l'Association médicale canadienne, qui tire à boulets rouges sur Ottawa.

Face à l'urgence, l'APN a demandé que les Amérindiens soient vaccinés en priorité. Ce sera le cas pour les communautés les plus touchées, a déclaré le Dr Butler-Jones.

Pour M. Toulouse, «si aucune amélioration n'est apportée, (...) un virus plus virulent pourrait avoir des conséquences tragiques à l'automne».