Alors que les hôpitaux canadiens vivent déjà une importante pénurie d'isotopes médicaux, le réacteur nucléaire de Petten, aux Pays-Bas, cessera ses activités dès aujourd'hui pour un entretien de routine qui durera un mois. Selon les spécialistes de médecine nucléaire, une crise est imminente.

«On a très peur des répercussions. Il faudra gérer la situation au jour le jour. Déjà, le moral des troupes n'est pas très bon. On a peur de ne pas donner de bons services aux patients», dit le président de l'Association de médecine nucléaire canadienne, le Dr Jean-Luc Urbain.

«La pénurie importante d'isotopes ne surviendra pas cette semaine. Parce que le molybdène que nous recevrons a une durée de vie de 2,2 jours. Mais à la fin de la semaine prochaine, on aura une idée de l'ampleur de la crise», explique le président de l'Association des spécialistes en médecine nucléaire du Québec, le Dr François Lamoureux.

Selon les calculs du Dr Lamoureux, environ 3000 patients par semaine pourraient devoir se priver de tests au Québec si la pénurie d'isotopes est sévère. «Déjà, les hôpitaux se sont fait dire que leur stock livré chaque semaine sera réduit du trois quart», affirme le Dr Lamoureux.

Les hôpitaux canadiens manquent déjà d'isotopes médicaux depuis trois mois. En mai, la centrale nucléaire de Chalk River, en Ontario, a dû fermer en raison d'une fuite d'eau lourde. À elle seule, cette centrale répondait à 35% des besoins mondiaux et à pas moins de 80% des besoins en isotopes au pays.

Pour contrer la pénurie, les hôpitaux québécois ont modifié leurs horaires et leurs techniques. «Les isotopes sont comme des glaçons qui fondent au soleil. Ils ont une durée de vie très courte. Pour traiter le maximum de patients, on travaille depuis le mois de mai de façon condensée, même les week-ends. On fait en deux ou trois jours ce qu'on fait habituellement en une semaine», explique le Dr Urbain. Si bien que la pénurie a eu peu d'impact sur les patients jusqu'à maintenant.

Mais la fermeture du réacteur de Petten viendra compliquer la situation. Depuis la fermeture de Chalk River, le réacteur de Petten avait compensé la perte en augmentant sa production de 50%. Mais on ne peut plus compter sur ce réacteur.

Les centrales nucléaires de Belgique et d'Afrique du Sud ont déjà commencé à augmenter leur production, affirme le Dr Urbain. «Mais les isotopes sont une substance brute qui doit être raffinée. Or, les centrales n'ont pas toutes de grandes capacités de raffinement», explique le Dr Urbain.

Pour l'instant, il est impossible de dire à quel point la fermeture de la centrale de Petten aura des conséquences ici. «L'approvisionnement jusqu'à la semaine prochaine est correct. Tous les rendez-vous planifiés sont maintenus. Mais les risques viendront après», reconnaît la porte-parole du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), Lucie Dufresne.

«Jeudi prochain, on aura une meilleure idée de l'ampleur de la crise», confirme le Dr Lamoureux.